Les attentats du 11 septembre 2001 et, dès le milieu des années 1990, le succès d'une vision des relations internationales structurée par des conflits de civilisation, ont contribué à nourrir le débat sur l'influence de la religion, et tout particulièrement de l'islam, dans les relations internationales.
Un cadre conceptuel a été progressivement élaboré depuis le Moyen-âge par les juristes musulmans en vue d'analyser les relations internationales selon des termes proprement islamiques. Ce cadre est essentiellement binaire et repose sur la distinction entre le dar al-islam et le dar al-harb.
Le dar al-islam, ou “maison de l'islam”, est l'espace au sein duquel règnent les préceptes de cette religion. C'est un espace unifié, fondé sur l'unicité de la communauté des croyants, l'oummah, de la foi et de la loi coranique. Cet espace à vocation universelle s'oppose au dar al-harb, la “maison de la guerre”, qui englobe les pays non musulmans, dont les habitants ont refusé de se convertir à l'islam. Le dar al-harb, monde de l'impiété et de l'ignorance, doit disparaître au bénéfice du dar al-islam, au moyen de la prédication et, en dernier ressort, de l'action violente, le jihad ou guerre sainte, défensive ou agressive. Entre ces deux espaces, certains juristes ont reconnu, par pragmatisme, l'existence d'un troisième territoire, le dar al-ahd ou dar al-sulh (espace de la convention ou de la trêve), qui est un espace à statut temporaire et intermédiaire, où la coopération est possible.
Comment ces concepts traditionnels ont-ils été utilisés, voire réinterprétés, depuis 1945, par des acteurs internationaux, étatiques ou non, dans un contexte politique, juridique et culturel profondément différent de celui qui les a vu naître ? Quelles sont les ressources, mais aussi les contraintes et les limites, de l'utilisation de la référence islamique en matière de politique internationale?
I. L'islam dans la construction et les stratégies d'influence d'Etats à majorité musulmane
II. Une remise en cause de l'utilisation de la référence islamique par le développement du néo-fondamentalisme
[...] Les années 1990 ont toutefois connu le développement de mouvements “néo fondamentalistes”, tels que l'organisation al-Qaida, qui diffèrent des mouvements islamistes de la génération précédente. Ces mouvements témoignent, selon Olivier Roy, d'une “mondialisation de l'islam”, par trois caractères : - ils sont acculturés, leurs membres rejetant toute appartenance nationale ou ethnique pour revendiquer une identité fondée sur une foi et une pratique religieuse qui se veulent épurées de tout élément culturel ; - ils sont déterritorialisés, organisés en réseaux internationaux qui nient les frontières et la souveraineté des Etats ; - leur rhétorique mêle éléments religieux, altermondialistes et anti- impérialistes. [...]
[...] Elles légitiment les décisions des autorités aux yeux de leurs populations nationales et, plus largement, de l'oummah. Elles constituent en outre un levier d'action ponctuel sur la scène internationale.[1] L'islam se situe naturellement au coeur de la politique d'un Etat tel que l'Arabie saoudite, qui cherche à développer son influence internationale en jouant sur sa qualité de “gardienne des Lieux saints”, ainsi que sur son aisance financière. Elle se trouve ainsi à la tête, depuis 1962 avec la création de la Ligue islamique mondiale, et plus encore depuis 1973, d'un “immense empire de la bienfaisance et de la charité [qui] permet de défendre une monarchie fragile en la projetant vers l'extérieur à travers sa dimension caritative et religieuse.”[2] L'islam n'est toutefois pas uniquement instrumentalisé par des Etats fondés sur une idéologie religieuse. [...]
[...] Quelles sont les ressources, mais aussi les contraintes et les limites, de l'utilisation de la référence islamique en matière de politique internationale? Les références à l'islam ont été davantage utilisées depuis les années 1970 par des Etats en quête de légitimité et d'influence, qui n'ont toutefois pas exclu le recours à d'autres instruments d'action. L'apparition de mouvements néo-fondamentalistes transnationaux dans les années 1990 a cependant modifié l'utilisation de l'islam dans la sphère des relations internationales, notamment au détriment des Etats musulmans. [...]
[...] Ainsi l'accent peut-il être mis sur l'existence du dar al- sulh, le lieu d'un compromis pragmatique qui peut s'éterniser, dans la mesure où la pratique religieuse et le prosélytisme ne sont pas interdits chez le partenaire non musulman. L'influence de l'islam dans les relations internationales semble donc s'être accrue depuis les années 1970. La défense et la promotion de l'islam représentent toutefois essentiellement un levier d'action et de légitimation de décisions dont l'islam n'est pas la motivation première. Cette instrumentalisation de l'islam par les Etats a cependant été affectée par l'apparition dans les années 1990 dans la sphère des relations internationales de mouvements transnationaux et autonomes qui en font un usage nouveau. [...]
[...] Selon Olivier Roy, les mouvements islamistes nés dans les années 1970 ou 1980 se sont “banalisés” et “nationalisés” au cours des années 1990, notamment au travers de l'exercice du pouvoir quand ils y ont été associés. Même si leur programme de politique intérieure reste très conservateur, les grands thèmes de politique étrangère, ils se retrouvent souvent en accord avec ce qui reste de la gauche nationaliste, en particulier le soutien aux Palestiniens et l'hostilité envers Israël, qui ne sont en rien la marque d'une islamité quelconque.”[4] La politique étrangère de l'Iran depuis 1988 fournit un exemple de cette banalisation. [...]
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