Le 26 juin 2003, la Cour Suprême américaine déclare inconstitutionnelle la loi interdisant la pratique de la sodomie « avec un individu du même sexe » dans l'État du Texas, remettant ainsi en cause les lois d'interdiction qui pèse dans 13 États américains sur les pratiques homosexuelles, même dans un cadre privé. Cette décision a suscité un grand engouement médiatique aux États-Unis : elle fut durement condamnée par de nombreuses associations familiales ou religieuses, n'hésitant pas à parler de décadence dans la société américaine, alors que les associations de défense des droits des homosexuels ont applaudi ce signe fort de « progrès social ». Les exemples où le droit se retrouve ainsi confronté à la morale ou à la religion sont innombrables, à l'image du débat récurrent sur le foulard islamique à l'école. Mais le choix de cette décision de la Cour Suprême n'est pas anodin car provocateur et tout à fait symptomatique : elle se situe au carrefour du droit, de la morale et de la religion.
Si le droit est un ensemble de règles de conduite sociale , l'homme vivant en société peut également être soumis à d'autres types de règles, morales ou religieuses par exemple. Et lorsque l'on considère l'emprunte historique de ces règles morales ou de la religion dans l'élaboration du droit, il devient difficile d'en distinguer les nuances. En France la distinction entre droit et religion paraît aujourd'hui évidente, le droit est laïcisé. Mais dans d'autres sociétés, droit et religion sont intimement liés, voir indifférenciés, comme les sociétés hindous ou le droit musulman. Les règles de droit n'y sont pourtant pas moins juridiques. Il convient ensuite de préciser que la morale est abordée ici dans son sens social, une morale coutumière définissant dans une culture les « mœurs souhaitables pour une vie en société ». Sur le plan spirituel, la morale est une « éthique transcendantale et universelle » qui se rapproche de la religion.
Le relativisme n'étant pas de mise dans une science juridique qui se veut universelle, il devient nécessaire de comprendre les nuances entre Droit, Morale et Religion. Plus précisément, quelles relations le droit entretient-t-il avec la morale et la religion ? Peut-on rapprocher les objectifs et les caractéristiques de ces trois ordres normatifs ? La véritable interrogation sous-jacente est finalement de savoir ce qui distingue précisément le droit de la morale et de la religion.
Une première approche historique permettra d'insister sur la complexité de la relation entre droit, morale et religion, et de son évolution. Ensuite, une analyse plus théorique de la finalité sociale du droit, puis de ses caractéristiques particulières, toutes confrontées à celles de la morale et de la religion, en dégagera les similitudes et les spécificités.
[...] Il convient ensuite de préciser que la morale est abordée ici dans son sens social, une morale coutumière définissant dans une culture les mœurs souhaitables pour une vie en société Sur le plan spirituel, la morale est une éthique transcendantale et universelle qui se rapproche de la religion. Le relativisme n'étant pas de mise dans une science juridique qui se veut universelle, il devient nécessaire de comprendre les nuances entre Droit, Morale et Religion. Plus précisément, quelles relations le droit entretient- t-il avec la morale et la religion ? Peut-on rapprocher les objectifs et les caractéristiques de ces trois ordres normatifs ? [...]
[...] La position du droit dans le débat sur le foulard islamique dans les écoles trouve ici sa logique car cherche à protéger le principe de laïcité de l'école publique. La relation historique entre droit et religion en particulier est donc très complexe car dynamique et variable, rendant, pour le moment, délicate toute différentiation hermétique des deux ordres normatifs. Pour mieux cerner ce qui éventuellement peut distinguer le droit de la morale et de la religion, une confrontation des caractéristiques qui font la définition du droit avec celles des deux autres notions apporte un éclairage supplémentaire. [...]
[...] Mais il n'empêche que la sanction n'est pas du même ordre pour les règles morales et religieuses. Pour la règle morale, elle relève de la psychologie individuelle, de la bonne conscience ruminante que Friedrich Nietzsche aborde dans sa Généalogie de la morale (1887). Pour la règle religieuse, elle est intérieure mais aussi d'ordre divin : la punition divine et la crainte du purgatoire sont deux éléments extérieurs certes, mais qui pèsent sur les intentions individuelles. Dans les deux cas, la coercition ne relève pas de l'État. [...]
[...] De même, Emmanuel Kant, distingue le droit qui vise les attitudes extérieures, et la morale qui vise les intentions et le for intérieur. En clair, la règle de droit a une finalité collective, tout en n'oubliant pas les demandes morales de justice et d'équité, tandis que les règles morale et religieuse ont une finalité individuelle : la morale recherche l'épanouissement personnel et la bonne conscience, et la religion le salut de l'homme par une rencontre avec Dieu[3]. Cette différenciation est cruciale, à tel point qu'apparaît parfois une contradiction entre les trois types de règles : pour mener à bien sa finalité sociale, le droit exige parfois l'occultation de préceptes moraux ou religieux. [...]
[...] La pratique du droit est confrontée à la demande publique légitime de justice et d'équité, en référence aux valeurs morales de notre société. Mais si l'élaboration de la règle de droit n'inclus pas systématiquement de telles considérations, son application exige alors parfois une certaine souplesse pour satisfaire ces demandes[5]. Rappelons que la finalité du droit est la régulation de la vie sociale, en d'autres termes la paix sociale également recherchée par la morale. Dès lors, la morale peut devenir une source d'inspiration pour la règle juridique, le droit est vivifié par la loi morale affirme Georges Ripert dans La règle morale dans les obligations civiles (1927). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture