En juillet 1787, sous l'impulsion de Malesherbes (juriste faisant partie du Conseil de Louis XVI à cette époque), Jean-Paul Rabaut de Saint-Étienne et l'avocat Target (défenseur de la cause protestante) se lancent dans la rédaction du futur Édit de Tolérance qui sera signé par le roi le 7 novembre 1787. Ce texte, « concernant ceux qui ne font pas profession de la religion catholique » obtient aux protestants le droit à un État-civil sans passer par la conversion au christianisme, mais présente des imperfections et ne satisfait pas les protestants. Néanmoins, Rabaut, lui, le présente comme un premier pas vers une future liberté religieuse. Cette liberté, c'est deux ans et demi plus tard, en tant que député du Tiers état aux États-Généraux (qui deviennent par la suite Assemblée Nationale Constituante) et en pleine période de crise politique qu'il tente de la conquérir.
[...] Ainsi pour Rabaut, la liberté de culte et de conscience se trouve dans l'égalité de tous les citoyens devant la nation. Ce schéma n'aurait cependant jamais pu fonctionner avant l'avènement de la liberté individuelle. En effet, dans ce qu'on appelle l'Ancien Régime, l'unité de la nation ne se fait que dans l'unité du culte. En proposant ici une unité de la nation devant la loi plutôt qu'une unité de la nation devant le culte, Rabaut fait passer le religieux au second plan : pour lui chacun doit être libre de pratiquer le culte qu'il souhaite et il ne doit pas y avoir de religion dominante. [...]
[...] C'est le cas de Rabaut qui est envoyé au séminaire de Lausanne où les professeurs amènent leurs élèves vers une attitude rationaliste et moraliste. Ainsi, la génération de pasteurs en activité en 1789 est profondément marquée par la pensée des Lumières, qu'ils approfondissent souvent plus que la doctrine religieuse en elle- même. Les pasteurs s'inspirent de Voltaire, défenseur de la tolérance, de Rousseau, qui prône un christianisme rationnel pour une égalité de tous devant la loi . Ainsi, tout au long du XVIIIe siècle, les Lumières éloignent le protestantisme de la théologie traditionnelle, ce qui explique que les idées des pasteurs protestants soient si proches de celles des révolutionnaires également marqués par l'idéologie des Lumières. [...]
[...] 15- 17) : ainsi, le mariage est certes autorisé aux protestants, cependant, ceux-ci ne peuvent le célébrer aux-même et sont contraint de se rendre devant un juge royal ou un curé qui seuls sont autorisé à authentifier ce mariage. Ainsi, les protestants se voient octroyer certains droits cependant restants très contrôlés par le royaume qui par cette mesure fait en sorte de ne pas leur céder de terrain. De même, l'enseignement, moyen efficace de la propagation de la foi, reste interdit aux non-catholiques même si l'on sait que les écoles protestantes existaient de fait. [...]
[...] Le véritable enjeu pour Rabaut est donc de faire en sorte qu'il y ait une véritable nation, protégée par une véritable loi universelle et non plusieurs lois adaptées à chaque communauté religieuse, ce n'est que dans ce cadre selon lui que les protestants pourront disposer d'une véritable liberté de culte et de conscience. La preuve de cette volonté de Rabaut-Saint-Étienne de faire des protestants des Français apparaît dans ce texte entre les lignes 22 et 26 : l'auteur aborde le problème de la croix de Saint-Louis : ordre honorifique récompensant les officiers les plus valeureux. En effet, cet ordre ne pouvait être donné à un protestant : il y a donc selon les propres termes de Rabaut une différenciation faite entre les Français et les Français (l. 21). [...]
[...] L'accès à la politique est très important pour les protestants, car comme on le voit dans ce texte, c'est l'avenir de la société tout entière qui est en jeu dans l'Assemblée Constituante. La preuve en est la verve de Rabaut dans ce discours : il a recours à des exagérations pour toucher son auditoire, notamment sur le nombre de protestants français qu'il établit à deux millions (l. 41) mais qui est à cette époque nettement inférieur (on considère qu'il y a environ réformés en France). [...]
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