Dans son allocution devant les curés de Milan, le 5 juin 1800, Napoléon déclare: « Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole »
Le message qu'a voulu faire passer l'un des plus grands chefs d'État au monde, fort de son expérience, est que Dieu est une nécessité pour l'homme. Toutes les religions se fondent sur l'existence d'une puissance surnaturelle, c'est-à-dire supérieure aux hommes et en laquelle ils croient. Nous appelons aujourd'hui Dieu cette créature surhumaine plus ou moins définie, plus ou moins représentée, qui guide les hommes dans leur quête spirituelle au travers d'un système de croyances fondé sur le postulat que Dieu existe vraiment. Le lien particulier qui unit les hommes à Dieu s'appelle la foi. Comme chacun des hommes peut être relié à Dieu par la foi, tous les hommes sont alors d'une certaine manière reliés entre eux. L'histoire a mené les hommes vers trois grandes religions monothéistes. Certes elles ne sont pas les seules, mais elles se sont imposées au cours des siècles. Chacune repose sur un texte sacré. Mais la religion ainsi organisée est en réalité fondée tout entière sur un postulat, celui de l'existence de Dieu. La valeur sacrée des Livres provient du fait qu'ils découlent de Dieu. S'ils découlaient des hommes, ils n'auraient été qu'un simple récit comme les autres. Or, les récits tels que la Bible, la Torah ou encore le Coran sont sacrés au sens où leur origine est divine. Le problème est que Dieu est un être surnaturel et par conséquent impalpable, inaccessible, et il est impossible pour les fidèles de se le représenter vivant comme les hommes le sont sur Terre. Les représentations de Dieu varient en fonction des religions. Mais dans chacune d'entre elles, il demeure inaccessible, de sorte que la Bible parle des « voies impénétrables du Seigneur ». Tout ce dont les croyants disposent pour pratiquer leur foi sont les Saintes Écritures. Elles constituent aussi le seul moyen à la disposition de l'homme pour attester de l'existence de Dieu. Ainsi, l'étude des textes sacrés, les grands principes, les grands commandements qu'ils dégagent et surtout les effets que ceux-ci ont sur la condition de l'homme sont le seul moyen de démontrer l'influence de Dieu sur l'humanité, l'existence de Dieu sur la Terre. L'interprétation des textes sacrés, ce qu'on appelle l'exégèse, est un des recours pour éclaircir, analyser et comprendre le message divin. Mais dans cet exercice, la raison humaine entre en jeu. Or, en confrontant la raison à la foi, la religion peut être affaiblie en raison de la nature fragile de la croyance. La croyance se fonde sur des postulats, alors que la science se fonde sur des preuves. C'est pourquoi la diffusion du mouvement rationnel en Europe et dans le monde a contribué à l'affaiblissement de la parole divine sur Terre, et donc de l'existence de Dieu elle-même. Il est donc légitime de se poser la question suivante: les effets que les grands principes sacrés ont sur les hommes suffisent-ils à démontrer l'existence de Dieu?
[...] harmonie du paradis, c'est le terme utilisé par Dostoïevski, est selon les Frères Karamazov trop lointaine, même s‘ils sont persuadés qu‘elle existe. L'accès au paradis ne doit pas se payer aussi cher, ne peut pas vouloir dire que tout est acceptable sur Terre, comme le mal, les guerres et la barbarie humaine. Le coût de l'attente est trop élevé. Ainsi, les frères Karamazov décident de rompre avec la croyance en Dieu et déclarent: L'entrée coûte trop cher. C'est pourquoi je préfère rendre mon billet d'entrée. En honnête homme je suis même tenu à le rendre plus tôt. [...]
[...] En effet, ce que Dieu a fait ou n'a pas fait est plus difficilement contestable que ce que l'homme fait ou ne fait pas. Parce que ce qui est sacré dépasse l'homme et sa propre condition alors que ce qui est humain existe un jour et meurt ensuite. L'homme étant plus facilement contestable que Dieu, il est donc difficile de mesurer les conséquences des idéologies sur la croyance en Dieu. Il est donc peu certain que les idéologies aient tué Dieu. Au contraire peut-être, la fin des grandes idéologies avec la fin de la Guerre froide a été l'occasion d'un retour du religieux. [...]
[...] En effet, l'homme moderne est un être rationnel. Or, si on ne fonde pas en raison les principes moraux qui ont un fondement religieux, l'homme rationnel soucieux de sa liberté finira par remettre en cause leur légitimité. Ainsi, Luc Ferry parle d' humanisation du divin en faisant référence aux Droits de l'homme. Il explique que l'histoire culturelle moderne consiste en la traduction des contenus théoriques et pratiques de la religion dans le langage de l'humanisme, c'est-à-dire qui soit compatible avec l'individu posé comme valeur cardinale Ainsi, dire que Dieu est mort parce qu'il n'a plus aucune influence dans les sociétés contemporaines serait inexact parce que même les Droits de l'homme qui sont désormais devenus l'une des plus belles œuvres de l'humanité prennent leur source dans le religieux. [...]
[...] De même, l'islam change dans un contexte de mondialisation et a tendance à s'occidentaliser. Cela ne signifie pas pour autant l'abandon des principes moraux qui découlent du Coran. Tout cela pour dire qu'il ne s'agit pas d'identifier la fin des religions au travers de ce qui n'est qu'évolutions normales de celles-ci. Nous continuons de vivre dans des sociétés normées par des principes d'origine religieuse, et cela atteste que Dieu n'est pas mort. Dieu continue d'exister auprès des hommes parce qu'il a fait prendre à l'humanité un chemin bien particulier, celui de la civilisation. [...]
[...] Même si nos sociétés sont de moins en moins croyantes, et elles l'expriment dans les études d'opinion réalisées à ce sujet, elles ne s'estiment pourtant pas athées, du moins pour la majorité. Car pour reprendre la réflexion de Nietzsche, Dieu rassure les hommes, et sans lui, sa vie perd de sa teneur. Comme le dit Napoléon, les hommes sans Dieu sont des hommes déboussolés. C'est pourquoi la nécessité pour l'homme de savoir que Dieu existe suffit à attester que Dieu existe vraiment. Il n'existe pas physiquement, bien entendu, mais il existe sociologiquement et culturellement. Si Dieu est à l'origine de nos civilisations, il ne peut pas disparaître du jour au lendemain. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture