Qui est légitime pour délivrer une fatwa ? Cette question permet de nous interroger sur de nombreux autres points : Que signifie « être légitime » ? Sur quelle base cela est-il défini ? Qui doit respecter cette légitimité ? Quels sont les fondements et impacts de telles interrogations ?
Le débat est ouvert et mouvementé. Pour tenter d'éclairer ce débat, de tenter d'y apporter des éléments de réponses, nous allons étayer notre propos avec les connaissances actuelles en droit musulman. Pour ce faire, nous commencerons par délimiter le sujet avec quelques définitions que nous nous garderons de considérer comme universellement reconnues.
Tout d'abord « qu'est ce que le droit musulman » ? Le droit musulman selon Erick Chaumont est ce qui résulte de l'Ijtihad (« l'effort d'interprétation » que nous verrons par la suite), c'est la mise à jour des statuts légaux.
Les sources du droit sont au nombre de quatre. Le Coran dit authentique lié à la théologie du Tawâtur qui permet d'identifier le Coran et qui repose sur la transmission orale du texte. Soulignons que les contenus à caractères légaux du Coran sont insuffisants pour régler l'ensemble des questions de droit. Un Tafsir (exégèse musulmane) du Coran est rendu nécessaire de par plusieurs passages peu clairs. Or, si la plupart s'entendent sur le fait que le Coran est authentique il y a beaucoup plus de discorde concernant les hâdiths.
La Sunna, deuxième source, pose la question de l'authenticité des hâdiths qui est toujours en débat. La chaîne de transmission est une méthode pour attester de la vérité d'un hâdith, toutefois, comme le rappelle Nawâwi, aucun hâdiths n'est authentique avec certitude. La question de l'authenticité des hâdiths pose aussi celle de l'infaillibilité du Prophète. Selon les Mu'tazilite, le Prophète n'a pas oeuvré comme un mujtahid, un savant, car il est infaillible et que Ijtihad introduit le doute. Pour Shirâzi, il n'est pas infaillible mais s'il commet une erreur elle sera corrigée par la Révélation. Le Qiyâs et l'Ijma' sont les deux dernières sources du droit musulman.
Il faut être prudent quand à l'universalité de telles définitions ; en effet, selon les différentes écoles, madhhab, Hanafite, malekite, shafiite et handbalite des points de divergences sont notables. Par exemple, la différence de traitement des versets du Coran abrogeants et abrogés, la pondération relative des diverses sources de savoir,...
Une fatwa est, dans l'Islam, un avis juridique donné par un spécialiste de loi religieuse sur une question particulière. En règle générale, une fatwa est émise à la demande d'un individu ou d'un juge pour régler un problème où la jurisprudence islamique n'est pas claire. Un spécialiste pouvant donner des fatāwa est appelé un mufti.
Après ces quelques définitions que nous devons retenir comme informatives et non universellement reconnues nous tenterons de répondre à l'interrogation suivante : Qu'elle est la légitimité d'une fatwa ? Nous allons tenter d'y répondre en deux parties. Dans la première, nous verrons en quoi Al-Azhar peut être considérée aujourd'hui comme une institution monopolistique. Puis, dans une seconde partie nous verrons pourquoi ce monopole peut être remis en question du point de vue du droit musulman.
[...] Au temps des califes tous pouvaient réfléchir à la loi islamique. Puis, peu à peu, une classe d'experts-savants a émergé. Or cette classe n'a jamais été délimitée ainsi les conditions d'accès au statut de savant n'ont pas été fixées. Pourtant, de nombreux ouvrages ont vu le jour avec un chapitre consacré aux conditions nécessaires pour être mujtahid (connaissance des versets coraniques, des hadîths prophétiques, des techniques de raisonnement, de la langue arabe Le mufti, est ainsi une personne connaissant le droit musulman à qui le requérant demande de rendre un avis sur un problème juridique ou pratique, une demande de conformité aux préceptes du droit musulman. [...]
[...] Ainsi, Gamal el-Bana rejette la méthode de consensus, Ijma', utilisée par Al-Azhar pour ensuite émettre une fatwa. D'autres méthodes sont également source de droit. Nous avons évoqué le Coran et la Sunna, mais il existe également le Qiyâs, raisonnement par analogie. A ces quatre sources, s'ajoutent d'autres secondaires comme l'opinion personnelle, l'Istihsân, qu'elle soit prise en vertu de la coutume ou pour l'intérêt général. Il y a aussi l'imitation des décisions des anciens ou Taqlid qui s'oppose à L'Ijtihad qui est un effort de réflexion personnelle basée sur les principes généraux de l'islam. [...]
[...] Le Prophète avait palié au Coran pour nombre de situations, il a donné l'exemple. Pour extraire le normatif de la révélation il fallait se livrer à l'effort d'interprétation, c'est l'Ijtihad. L'Ijtihad c'est la construction légale d'un système normatif c'est l'effort d'élaboration ou de découverte des statuts légaux islamiques. L'effort juridique c'est extraire du Coran et des hadiths (pour ceux qui les reconnaissent), des règles juridiques susceptibles d'être appliquées selon des méthodes très diverses. L'Islam, tout comme le droit musulman est une représentation sociale donc tout type de discours contribue à l'informer ou à la déformer. [...]
[...] La délivrance des fatwas par Al-Azhar Qui est légitime pour délivrer une fatwa ? Cette question permet de nous interroger sur de nombreux autres points : Que signifie être légitime ? Sur quelle base cela est-il défini ? Qui doit respecter cette légitimité ? Quels sont les fondements et impacts de telles interrogations ? Le débat est ouvert et mouvementé. Pour tenter d'éclairer ce débat, de tenter d'y apporter des éléments de réponse, nous allons étayer notre propos avec les connaissances actuelles en droit musulman. [...]
[...] La méthode du consensus utilisée pour délivrer des fatâwa est remise en cause et nous allons voir pourquoi. II- Les méthodes d'Al-Azhar sont-elles conformes au droit musulman ? Gamal el-Bana a souvent dénoncé le monopole d'Al-Azhar[3]. Pour cet écrivain islamique, ce dernier provoque l'élimination de la pensée indépendante de tout musulman en général. Ce monopole donne à Al-Azhar le pouvoir de rejeter ou d'accepter des interprétations coraniques et ainsi d'éliminer la pensée indépendante des autres savants comme il avait pu le spécifier quelques mois avant[4]. [...]
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