Texte: "N'importe quelle affection humaine peut nous conduire à la notion d'une puissance invisible et intelligente, l'espoir aussi bien que la crainte, la gratitude aussi bien que l'affliction. Mais si nous examinons notre propre coeur ou observons ce qui se passe autour de nous, nous découvrirons que les hommes s'agenouillent bien plus souvent sous l'effet de la mélancolie que sous celui des passions agréables. Nous acceptons facilement la prospérité comme notre dû, et nous nous interrogeons peu sur sa cause ou son auteur. Elle suscite la gaîté, l'activité, la vivacité et une intense jouissance de tous les plaisirs de la société et des sens ; et tant que nous demeurons dans cet état d'esprit, nous avons peu le loisir ou le goût de penser aux régions invisibles ou inconnues. D'un autre côté, tout accident funeste nous alarme et nous incite à rechercher les principes de son origine ; la crainte du futur jaillit et l'esprit, en proie à la méfiance, à la terreur et à la mélancolie, a recours à toutes les méthodes susceptibles d'apaiser ces puissances intelligentes et secrètes dont, pensons-nous, notre sort dépend entièrement."
[...] Les passions agréables suscitées par la prospérité sont l'espoir et la gratitude. Elles surviennent à l'occasion d'événements heureux, et ont pour effets l'activité, la vivacité et une intense jouissance de tous les plaisirs de la société et des sens Elles portent donc à entreprendre des choses nouvelles car nous inspirent confiance en nous et en notre capacité à réussir, à avoir une action efficace sur le monde. Elles nous permettent de jouir de la vie, d'être dans un bon rapport aux autres et dans un bon rapport à notre corps. [...]
[...] On remarquera, pour finir, que Hume est passé de la mention d' une puissance invisible à des puissances intelligentes c'est-à-dire du singulier au pluriel. La question du début du texte portait en effet sur la formation de l'idée d'une divinité ; la fin de ce même texte évoque la multiplication des divinités auxquelles le croyant frappé de malheurs s'adresse. On peut voir là une allusion au polythéisme païen, qui correspond à l'exemple de religions populaires dont Hume étudie l'origine ici. [...]
[...] Le mécanisme des passions désagréables est exactement inverse. En présence d'un malheur, d'un échec, refusant de s'en voir attribuer la pleine responsabilité, on cherche bien souvent à comprendre comment un tel accident a pu se produire. Que l'on parle d'« accident est à ce titre assez révélateur : car cela implique que l'événement malheureux vienne rompre et interrompre le fil d'habitudes plutôt heureuses (ce qui nous ramène à l'idée selon laquelle le bonheur nous apparaît spontanément comme l'état normal des choses). [...]
[...] Cette puissance est invisible parce qu'on ne la voit pas favoriser nos succès ou entraîner nos échec, et est intelligente car elle gouverne nos vies d'une manière que l'on estime raisonnable, douée de sens. Ainsi, le croyant tend à penser que, si quelque chose de désagréable lui arrive, c'est peut-être en punition d'une faute qu'il aurait commise : en lui faisant subir cet échec, la divinité se conforme à une certaine justice, et est donc intelligente. La divinité ne gouverne pas le monde au hasard : cela rejoint l'idée d'une Providence divine, qui décide du sort des hommes selon le principe du meilleur. b. [...]
[...] David Hume Texte sur la religion "N'importe quelle affection humaine peut nous conduire à la notion d'une puissance invisible et intelligente, l'espoir aussi bien que la crainte, la gratitude aussi bien que l'affliction. Mais si nous examinons notre propre coeur ou observons ce qui se passe autour de nous, nous découvrirons que les hommes s'agenouillent bien plus souvent sous l'effet de la mélancolie que sous celui des passions agréables. Nous acceptons facilement la prospérité comme notre dû, et nous nous interrogeons peu sur sa cause ou son auteur. [...]
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