La discipline de l'histoire et du droit des Etats s'intéresse à la question de la tolérance religieuse dans la mesure où elle a trait à la relation entre l'Etat et la pratique religieuse des individus qui sont subordonnés à l'autorité de cet Etat. Une des étapes fondamentales de la naissance de l'Etat moderne, et une des composantes essentielles de cet Etat aujourd'hui, est le principe de tolérance religieuse.
L'Etat se trouve ainsi au cœur de la problématique de la liberté religieuse. Or, en ce qui concerne l'Islam, la nation d'Etat pose problème. En effet, dans le Coran et les autres textes fondateurs du dogme juridico-religieux musulman, il n'y a pas de véritable réflexion sur l'Etat comme on en a trouvé dans la pensée grecque ou chrétienne. Cette absence originelle de conception de l'Etat comme entité autonome et de distinction entre pouvoir politique et pouvoir religieux rend problématique la notion de liberté religieuse dans l'Islam, et notamment du statut des minorités religieuses, principalement les juifs et les chrétiens.
Dans le Coran, ceux-ci sont considérés comme détenteurs des écritures ou gens du livre, et donc destinés à un sort privilégié par rapport aux païens qui sont tués ou réduits en esclavage s'ils ne se convertissent pas. Par la suite, la doctrine juridico-religieuse musulmane définit le statut des Dhimmis, c'est-à-dire les gens du livre, juifs et chrétiens. L'ambiguïté de ce statut particulier réside dans le fait qu'il établit d'une part un régime préférentiel pour les gens du livre, ce qui va dans le sens de l'idée de liberté religieuse, mais d'autre part il marque une différenciation nette entre gens du livre et musulmans, ce qui va plutôt dans le sens de l'idée de discrimination religieuse.
L'approche se situe alors à deux niveaux : celui du dogme juridico-religieux, et celui de la réalité historique. Ces deux niveaux ne concordent pas toujours même si, comme l'affirme Bat Ye'or, les réalités politiques, économiques et sociales de la conquête inspirent et modulent les prescriptions juridiques.
On va donc se demander dans un premier temps si le statut des gens du livre dans la doctrine juridico-religieuse islamique constitue une première théorie de la liberté religieuse ; dans un deuxième temps, l'analyse portera sur l'exemple de l'Andalousie musulmane au Moyen-Âge afin de savoir si cette culture dominée par l'Islam mais cohabitant de façon harmonieuse avec les juifs et les chrétiens constitue une première pratique de la liberté religieuse.
[...] Cependant, à partir du XIIe siècle les débats entre les religions commencent à se radicaliser et l'esprit de tolérance disparaît. Il semble qu'on puisse parler d'une certaine liberté religieuse en Andalousie, mais pas de tolérance religieuse au sens contemporain. Mais pas de tolérance religieuse à proprement parler En effet, la notion de tolérance religieuse apparaît comme anachronique à cette époque. Le concept moderne de tolérance se fonde sur une vision pluraliste affirmant le droit de chaque individu ou pour chaque groupe de conserver les croyances et les principes qui lui sont propres. [...]
[...] On va donc se demander dans un premier temps si le statut des gens du livre dans la doctrine juridico-religieuse islamique constitue une première théorie de la liberté religieuse ; dans un deuxième temps, l'analyse portera sur l'exemple de l'Andalousie musulmane au Moyen-Âge afin de savoir si cette culture dominée par l'Islam mais cohabitant de façon harmonieuse avec les juifs et les chrétiens constitue une première pratique de la liberté religieuse. I Le statut juridique des Gens du Livre dans la doctrine juridico- religieuse musulmane, une première théorie de la liberté religieuse ? [...]
[...] Conclusion On ne peut pas parler de tolérance religieuse dans l'Islam, même dans l'Andalousie des trois cultures. Le statut particulier conféré par la doctrine juridico-religieuse de l'Islam aux juifs et aux chrétiens ne constitue pas une première théorie de la liberté de religion. Il n'est pas fondé sur un principe philosophique de liberté de conscience, mais sur la prise en compte d'une parenté entre ces religions et l'Islam, ainsi que sur des considérations plus pragmatiques liées au déroulement de la guerre sainte. [...]
[...] La doctrine juridico- religieuse de l'islam définit par la suite la dhimma, convention par laquelle l'Islam accorde aux chrétiens et aux juifs la sauvegarde de leur personne et de leurs biens. En effet, les dhimmis bénéficient d'un statut privilégié par rapport aux païens : ils ne sont pas obligés de se convertir, et au contraire il est interdit de les obliger à se convertir. Ils peuvent pratiquer librement leur religion, conserver leurs lieux de culte et leur hiérarchie religieuse, et conserver la terre qui leur appartient. Ce statut privilégié donne l'impression d'une grande liberté religieuse, qui contraste avec l'intolérance des sociétés chrétiennes du Moyen Age. [...]
[...] Les chrétiens sont le groupe dominant au moment de la conquête arabe. Les juifs y sont présents en grand nombre depuis l'empire romain. Il règne une grande diversité au sein de l'islam même, notamment entre berbères d'Afrique du Nord et Arabes du Moyen-Orient et entre tribus arabes rivales. Cette grande diversité ethnique et religieuse, combinée avec l'existence d'un pouvoir politique faible et décentralisé à l'époque des taifas, favorise la rencontre et le dialogue entre les communautés religieuses, souvent dans une atmosphère de respect et de tolérance. [...]
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