Comment ne pas voir dans le “Sermon sur la Montagne” de Matthieu un affrontement entre la loi mosaïque et l'interprétation qu'en donne le Jésus matthéen? Vous avez entendu qu'il a été dit : tu ne commettras pas l'adultère. Eh bien! Moi je vous dis : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son coeur, l'adultère avec elle.
Comment ne pas voir dans ces lignes une opposition entre le Prophète juif et le Messie chrétien ?
Mais comment comprendre dès lors que Jésus dise:
"N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir."
Tel est l'enjeu de ce travail qui, après une courte présentation de ce qui constitue le centre de la Loi vétéro-testamentaire, le Décalogue, et des enjeux de celui-ci, s'attachera à décrire le traitement qui lui est réservé par le Jésus matthéen dans le Sermon sur la Montagne.
[...] Le décalogue n'est alors plus une décision arbitraire, mais une façon de donner l'exemple. Pour reprendre l'expression de R. Brague, on dira que ne tueras signifie que Dieu est plutôt le genre d'être qui, s'il était un homme, ne tuerait pas. La Loi est nomos, mais aussi Torah, c'est-à-dire enseignement. Un enseignement qui porte sur les moeurs divines, serait-on tenté de dire. A proprement parler, ce ne sont pas dix “commandements”, mais bien plutôt des paroles. En effet, comme nous l'avons vu, aussi bien en Deutéronome qu'en Exode, le décalogue s'ouvre sur une présentation de YHWH par lui-même: Je suis YHWH ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude. [...]
[...] Il ne semble pas inutile à ce stade de notre réflexion de revenir aux critiques: que disent-ils de cette opération? Que Jésus effectue un retour à l'origine, à la signification première de la Loi divine. On aurait tort à mon avis de comprendre ce Schritt zurück comme une simple dispute exégétique entre deux prophètes sur la signification ultime d'un décret divin. Ce retour à l'origine, c'est un retour à la nature première de cette Loi. Nous avions dit des commandements de Jésus qu'ils étaient des signes. [...]
[...] A ceux-ci, Jésus répond dans le verset 17. Et le verset 19 nous porte à penser que d'autres, révérant la Torah dans ces prescriptions principales, jugeaient périmés ses autres commandements Une justice plus abondante (Mt 20) On serait tenté d'expliquer à l'aide du verset 19 que la justice qui surpasse “celle des scribes et des Pharisiens” est une stricte observance de la Loi jusque dans ses moindres préceptes. Mais ce serait à notre avis trahir et le message de Jésus et l'intention rédactionnelle de Matthieu. [...]
[...] Il s'agit d'oeuvrer de l'intérieur. Le Jésus matthéen affirme ici que la Loi reste valide jusque dans ses plus petits détails. Si le verset 18, dans son apparente radicalité, semble univoque ou à tout le moins dénué de difficulté interprétative, l'expression “jusqu'à ce que tout soit arrivé” pose quant à elle problème. Plusieurs explications sont possibles: de même que l'on pouvait situer l'expression accomplir la Loi dans le contexte matthéen de l'histoire du salut, on peut en faire de même ici. [...]
[...] On pense dès lors à tous ceux qui, dans le passé, ont interprété la Loi, ces scribes juifs dont la tradition pèse encore de tout son poids sur l'époque de la rédaction de ce texte. “N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abroger mais accomplir”23. Jésus nous rassure donc. Il n'est pas question pour lui de se confronter à la Loi. Mais il fait pire! Il l'accomplit: le fait de s'opposer à la Loi est, pour ainsi dire, à la portée du premier prophète venu. [...]
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