Pour pouvoir faire la critique de notre texte, il faut commencer par le situer dans le contexte du début du IIIe siècle. Il est en effet symptomatique que des auteurs, de peu postérieurs, n'y aient rien trouvé à redire. Hippolyte aussi bien qu'Origène citent les Actes de Paul sans faire de difficultés ; et si Tertullien les rejette, ce n'est pas tellement à cause de leur doctrine — bien qu'il trouve l'ouvrage un peu trop féministe — mais parce que le prêtre d'Asie qui en est l'auteur a osé ajouter quelque chose aux idées de Paul. « Que l'on sache que le prêtre qui composa en Asie les écrits qui circulent frauduleusement sous le nom de Paul, après avoir été convaincu et avoir reconnu qu'il avait fait cela pour l'amour de Paul, fut déposé » (Sur le baptême, 17).
On peut se demander pourquoi ce texte qui parait exalter la virginité d'une façon excessive et au détriment du mariage ne surprenait pas au IIIe siècle. Un bref aperçu sur le contexte historique est très éclairant. A la fin du IIe et au début du IIIe siècle, l'Eglise en expansion est affrontée au monde païen, dont les mœurs sont opposées aux siennes le plus souvent. Les chrétiens ont donc à se défendre de la contamination de la société qui les entoure ; ils se considèrent naturellement comme « étrangers dans leur patrie ». Leur mode de vie diffère de celui de leurs compatriotes et leur attire des critiques allant jusqu'à la persécution. Dans ces conditions l'idéal chrétien apparaît comme héroïque.
Face à ces difficultés, les prédicateurs doivent stimuler le zèle de leurs fidèles, leur proposer un idéal à la hauteur de la situation difficile qui est la leur, et ils surenchérissent facilement sur l'enseignement donné par les Apôtres ; ils en font une lecture orientée. Tout un courant de l'Eglise, l'encratisme, pousse à l'extrême ce désir d'absolu présent dans les mentalités, et cela spécialement en matière de continence et d'abstinence.
[...] Devenir les temples de Dieu. En 1 Co Paul affirmait : votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, il a été racheté par le sang du Christ. Vous devez donc fuir la débauche pour ne pas pécher contre votre corps Pour faire une béatitude qui respecte la pensée de Paul, il aurait fallu dire : »Heureux ceux qui fuient la débauche parce qu'ils sont (au temps présent) les temples de Dieu Ce qui est donné à tout chrétien, c'est d'être temple de Dieu ; et fuir la débauche est une attitude qui est dans la logique de ce don. [...]
[...] Celle-ci est réservée à ceux dont le corps est totalement pur. L'auteur attache un grand prix à la pureté des vierges : leur corps recevra une récompense spéciale. Il n'y a pas de condamnation du corps comme dans les écrits gnostiques : pour ceux-ci, en effet, la connaissance du vrai Dieu procure la résurrection de l'âme 2 Tim la seule à laquelle ils croient. Les corps des vierges seront agréables à Dieu Nouvelle allusion à Rm 12 : offrez-vous vous-mêmes en sacrifice agréable à Dieu (v. [...]
[...] Considérant le chrétien comme un homme qui, par amour de Dieu, renonce à ce monde rejette l'extérieur du monde ce monde païen opposé à Dieu l'auteur des Actes de Paul voit dans la chasteté un des points essentiels où s'incarne cette attitude : elle est rupture radicale avec le monde. Elle est à ses yeux l'expression de la vie chrétienne intégrale, le résumé en quelque sorte de la sainteté. Tout chrétien doit dès lors pratiquer la chasteté, la continence, dans toute sa rigueur. [...]
[...] Le Père donnera le salut aux corps des vierges. Le salut du corps, c'est la résurrection. Nous avons là la pointe du discours, l'explication du thème annoncé dans l'introduction 5). Cette dernière béatitude semble bien être en harmonie avec l'interprétation que les adversaires du Pseudo-Paul donnent de son enseignement : II ne peut y avoir pour vous de résurrection que si vous restez chastes et si, loin de souiller votre chair, vous la conservez pure 12). Les vierges seules connaîtront un salut total, corps et âme. [...]
[...] Au 17 d'ailleurs Paul, mis en demeure de s'expliquer sur le contenu de sa prédication, dira clairement : Si j'ai enseigné ce qui m'a été révélé par Dieu, en quoi suis-je injuste ? Cet enseignement est appelé aussi la parole du Christ les maximes de Dieu 42). Il porte sur deux points précis : la continence et la résurrection, deux sujets fondamentaux pour le pseudo-Paul. C'est ce que nous montre le récit qui fait suite à notre discours : l'enseignement de Paul tant sur la continence que sur la résurrection est source de controverses. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture