Tout au long du Moyen-âge, la Bible représente le lieu de l'identité chrétienne. Les textes qu'elle contient constituent un riche ensemble de savoirs et d'enseignements. Mais la possibilité d'accéder aux dogmes et aux textes bibliques n'est pas à la seule portée d'une élite, on sait que vers le XIIIe siècle, la Bible devient plus populaire, elle apparaît d'un accès plus facile. Elle se popularise en quelque sorte, et les dogmes sont connus et maîtrisés par un nombre plus important de fidèles.
A la fin du Moyen Age on a une véritable vogue des Vies du Christ. Mettre sa vie par écrit est devenu une mode. Un moine, Guillaume de Digulleville, fait partie de ces auteurs qui ont pris en charge ce type de récit. Il est l'auteur de trois longs poèmes sur le pèlerinage dont le Pèlerinage de Jésus-Christ. Les Méditations, quant à elles, ont été très longtemps attribuées au pseudo-Bonaventure, puis à Jean de Caulibus. Ce texte suit la vie du Christ mais se veut autre, différent de celui de la tradition. A l'Evangile connu sont ajoutés des thèmes ou passages des récits apocryphes sans oublier une part d'invention inédite que l'on propose comme vraie.
L'épisode de la Nativité est fondamental puisqu'il évoque la mise au monde du Fils de Dieu. Selon la Bible, Joseph et Marie sa femme enceinte, venus à Bethléem pour se faire recenser, ne trouvent pas de place à l'auberge et en sont réduits à dormir dans une étable, là où naît Jésus.
[...] L'épisode de la Nativité est important en lui-même, car il rappelle la vie terrestre de Jésus, vise à rapprocher son parcours des hommes et les incite à voir en lui un modèle à suivre. De plus, ces nouvelles versions illustrent bien la crise théologique liée au XIIIe siècle : le texte biblique traditionnel ne satisfait plus, on aspire à raconter et à lire de nouvelles choses. On veut se rapprocher de Dieu par un autre moyen et on invente les textes qui représentent bien ce renouveau. Les références aux textes apparaîtront désormais sous cette forme pour les Méditations et pour le Pèlerinage de Digulleville. [...]
[...] En bon croyant il s'insurge devant les réalités de la vie qui forcent le Fils de Dieu à naître dans de si misérables conditions. Grâce à cet échange, on a toute un développement sur la modestie, le renoncement devant le superflu : vois tout le don de Pauvreté qui dépouille du trop pour offrir le tout Marie pense avant tout à la vie de l'esprit avant de penser au confort matériel : C'est dans la perte que l'on trouve l'or le plus pur Dieu doit se faire humilité et ne pas copier le comportement des hommes aveuglés par l'orgueil. [...]
[...] Au contraire, dans le Pèlerinage, l'auteur est au cœur de l'action. Son intervention de dans le texte même n'est pas rare : il joue, entre autres, un dialogue fictif avec la Vierge. Il la glorifie elle, et l'enfant qu'elle porte. Il est également le témoin de l'accouchement qu'il décrit comme un spectateur privilégié : je peux voir j'aperçois Il participe à cet évènement extraordinaire : Et moi, pauvre raconteur, je m'émerveille En sa qualité de témoin, il peut raconter tout ce qu'il a soi-disant vu. [...]
[...] Les Méditations, au contraire, reposent sur le témoignage du raconteur qui dit avoir assisté à la scène. De ce fait, les précisions sont nécessaires, elles légitiment le discours. Enfin, le thème de la naissance est fortement présent dans les deux textes. Tout mène à l'accouchement de Marie. Cependant, ce dernier ne se passe pas de manière identique dans les deux textes. Conformément à la tradition, Marie accouche couchée dans le Pèlerinage, mais c'est debout qu'elle met au monde Jésus dans les Méditations : la vierge se leva et se tint debout contre une colonne qui se trouvait là Dans cette version-là, le bœuf et l'âne sont également présents alors qu'ils ne sont pas mentionnés par Digulleville, remplacés, d'une certaine manière, par les actions de Pauvreté pour réchauffer l'enfant. [...]
[...] Chaque fidèle doit entretenir un lien direct avec Dieu et doit l'adorer et le célébrer pour la grandeur de ses faits, tout comme le fait Joseph. En définitive, on peut dire que la conception que l'on avait de la Bible n'est pas conforme à l'idée que l'on peut en avoir aujourd'hui. En effet, à la fin du Moyen Âge, toutes ces références sont mobilisées et sont, en même temps, modifiées, réécrites, voire complétées. La Bible n'est pas encore ce texte fixe, figé tel que nous le connaissons, il n'a pas encore été récupéré par une élite ecclésiastique et supporte toutes les modifications que l'on veut lui voir prendre. [...]
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