Lorsque Léon XIII publie son encyclique «Rerum Novarum» le 15 mai 1891, celle-ci lui vaut vite le surnom de «pape des ouvriers». Cette lettre adressée à tous les cardinaux marque un tournant dans l'histoire de l'Église et instaure les bases du catholicisme social. La réflexion des hommes d'Église à propos du remède à apporter à la condition ouvrière n'est pas nouvelle à cette époque.
Les travaux de Léon XIII sont en partie hérités de ceux de l'Union de Fribourg, avec des personnalités comme celles du Cardinal de Bonald de Lyon, du Cardinal Manning en Angleterre ou encore de Mgr Von Ketteler en Allemagne. On peut alors se demander en quoi l'encyclique «Rerum Novarum» est révélatrice d'une véritable prise de position idéologique de la part de Léon XIII, position qui reflète l'enracinement d'un nouvel ordre social dans les sociétés occidentales et qui, toujours à l'heure actuelle, constitue le fondement même de la doctrine sociale de l'Église.
[...] En revanche, cette spoliation des terres est à mettre aussi en relation avec une certaine conception rousseauiste de la propriété. Selon Rousseau dans ses Discours sur l'origine de l'inégalité, la propriété privée n'est qu'une réalité de pure convention, calamiteuse, qui a conduit les hommes à se faire la guerre dans la quête de jouissance matérielle. C'est dans ce cadre que Rousseau peut être considéré comme un précurseur de la pensée socialiste moderne revendiquant la nationalisation. Ainsi, Léon XIII participe à une critique virulente des socialistes, ces «tenants d'opinions surannées», ligne 7. [...]
[...] Ces syndicats représentent la justification du droit pour les travailleurs de se regrouper pour faire contrepoids au pouvoir de l'argent. On pourrait y déceler un parallèle avec le socialisme qui revendique l'action syndicale, mais ici celle-ci ne doit pas être la cellule visant à organiser le mouvement ouvrier et la révolution. Elle doit examiner la condition faite aux travailleurs et la corriger si nécessaire. Le parallèle est à faire avec les corporations d'Ancien Régime. On sent une espèce de nostalgie de l'unité organique du corps politique chrétien d'avant la Révolution. [...]
[...] En effet, selon lui, les primaires de la vie politique et économique ne se réduisent pas aux individus, car ceux-ci ont un rapport au Créateur dès l'origine qui leur impose des devoirs avant le contrat social. Dès lors, on observe que critique du libéralisme et du socialisme sont intimement liées. On peut alors se demander si le pape, par le refus des idéologies, ne fait pas en quelque sorte le procès de la modernité. Cependant, en décryptant bien la solution que propose Léon XIII à la question sociale et ouvrière, on peut affirmer que le pontife sait allier tradition et modernité, notamment lorsqu'il rappelle la morale et les valeurs prônées par l'Église. [...]
[...] Dans ce cas de figure, on peut alors affirmer que la vision du monde de Léon XIII est celle d'un monde figé, parfait, qui ne doit en rien être modifié. Cette composante fixiste est aussi particulièrement liée à la manière dont le pontife considère l'Homme en lui-même. Chez Léon XIII, l'Homme n'est alors ni perfectible, ni mutant. Puisqu'il correspond à l'œuvre divine, il est logique de penser que c'est parce que Dieu l'a voulu ainsi qu'il doit rester comme il est. [...]
[...] Le pontife va en effet même jusqu'à dire que ces inégalités sont bénéfiques à la société puisqu'elles «tourne[nt] au profit de tous». La manière dont Léon XIII aborde cette question est très paradoxale, puisque par définition, selon le langage biblique, le berger se doit de ne faire aucune distinction entre ses brebis, et de ce fait les considérer comme égales. Ainsi, on peut se demander si, au prime abord, le pape n'est pas particulièrement en avance sur son temps et va en quelque sorte à l'encontre de la doctrine de l'Église. [...]
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