Les papes du 13e siècle et spécialement Innocent III, qui retient ici notre attention, sont les dépositaires des efforts fournis par leurs prédécesseurs acquis aux idées de la réforme grégorienne depuis le milieu du 11e siècle et poursuivis au cours du 12e. Cette époque est celle de la diffusion dans toute la chrétienté latine des idées grégoriennes. Les événements qui se présentèrent à eux les amenèrent à préciser les principes sur lesquels fonder un tel pouvoir. À partir de la publication du décret de Gratien en 1140, œuvre majeure du droit canonique, on assiste à la floraison de toute une littérature de glose et de commentaires de la part de canonistes originaires, de toute la chrétienté. Leurs travaux mettent l'accent sur la souveraineté du pape, et amorcent la réflexion sur les notions d'auctoritas et de potestas et reconnaissent au pape une auctoritas supérieure. La suprématie pontificale est un fait encore récent en cette fin de 12e siècle, car durant près d'un millénaire, le gouvernement de l'Église a fonctionné sur la communication entre les patriarcats jusqu'à ce que la conquête musulmane ne laisse face à face les deux principaux, celui du Rome et celui de Constantinople, le premier possédant une primauté d'honneur énoncée dès 451 lors du concile de Chalcédoine.
[...] La nomination de l'empereur Innocent III devint l'arbitre de l'empire à la faveur de la conjoncture. Après à la mort de l'empereur Henri VI en septembre 1197, les princes électeurs, écartant le fils de ce dernier (qui plus tard deviendrait Frédéric car il était trop jeune, certains choisirent Philippe de Souabe et d'autres Otton De Brunswick. Suite à cette double élection, le pape s'était bien gardé de toute intervention dans l'empire. Et à vrai dire, personne ne la sollicitait. Pendant une année il s'inquiéta peu de cette situation, si ce n'est par quelques lettres dans lesquelles il revendiquait son droit de décider quel souverain était élu de manière régulière puisque c'est à lui qu'appartenait de choisir le titulaire de la dignité impériale. [...]
[...] De plus, Innocent III fait sortir la juridiction ratione peccati du droit canonique pour l'insérer dans le droit public, ce qui renforce d'autant l'idée de gouvernement sacerdotal. Cependant, la décrétale Novit apporte la preuve que le pape reste dans une attitude consciente des limites de sa possibilité d'action. Si le texte est ferme et menace de sanctions dans le cas où Philippe Auguste refuserait l'arbitrage pontifical, comme on peut le voir aux lignes 30 à 39, dans un passage qui ne figure pas dans l'extrait il préconise simplement aux évêques français d'adopter les décisions que le légat prendrait au sujet de cette affaire. [...]
[...] On peut alors percevoir assez clairement la ligne directrice de la politique d'Innocent III. La société chrétienne aspire à la paix et à l'unité et c'est au pape qu'il revient d'y pourvoir. Dans la mesure où il ne peut garder le glaive temporel pour lui seul, il entend installer un climat de concorde entre les princes. On retrouve l'idéal politique biblique, idéal que celui qui se dit le vicaire du Christ, prince de la paix, reprend à son compte. C'est surtout la condition sine qua non de l'organisation de la quatrième croisade dont certains historiens pensent qu'elle aurait été le guide de toute son action. [...]
[...] Pour justifier ses prérogatives, il met en avant la translatio imperii, le transfert de l'empire des Grecs aux francs en faisant allusion à la ligne 46 au couronnement de Charlemagne. Ce dernier a tenté de réunir en sa personne la double dignité impériale et sacerdotale. Il est un nouveau David, un nouveau Salomon, dès lors, il n'est pas difficile pour le pape d'opposer aux rois d'Israël la supériorité de Melchisédech, le seul roi-prêtre de l'Ancien Testament au sens strict. Mais Melchisédech préfigure le Christ, et le pape est le vicaire du Christ sur la terre. [...]
[...] C'est au nom du devoir moral dont il se sent investi envers tous et y compris les souverains, qu'il intervient (lignes 16 à 24). Il intervient ratione peccati, à cause du péché et non pas ratione feudi à cause de raisons féodales (lignes 20 et 21). Le péché de Philippe Auguste n'est pas vraiment d'ordre moral, il s'agit plutôt d'un péché contre la paix et même d'un serment violé (lignes 45 à 47). Ce passage fait référence à une trêve de cinq ans conclue en 1199 entre Philipe et Richard Cœur de Lion alors encore vivant et approuvé par Innocent III lui-même. [...]
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