Nous vivons actuellement dans des sociétés où l'image que nous renvoyons est prépondérante. Sans parler des conséquences physiques de l'obésité ou de la maigreur, la préoccupation constante que nous avons de notre apparence amène parfois certains d'entre nous, pour respecter les « canons » esthétiques en vigueur, la mode, à convertir leur vie quotidienne en une suite de sacrifices alimentaires et d'exercices physiques. La jeune fille anorexique, prise d'une peur intense de grossir refuse de se maintenir à un poids normal. C'est parce qu'elle s'empêche de manger, jeûne ou se restreint de façon drastique qu'elle devient maigre et dénutrie. La boulimique, elle, se livre à des débauches de nourriture, mais parvient tant bien que mal à compenser ces excès par divers artifices comme le jeûne, le vomissement provoqué, l'exercice physique intensif ou l'abus de divers médicaments détournés de leur usage premier.
[...] Dans le même temps, l'inquisition lance la chasse aux sorcières et aux hérétiques. Être gros devient synonyme de riche et puissant, et pendant ce temps les prêtres fustigent, dans leurs homélies, les banquets pantagruéliques des puissants. Dans les monastères, l'anorexie devient alors à la mode comme moyen d'accès à une plus grande spiritualité. Il est paradoxal de constater qu'à cette période les femmes se privaient de manger pour accéder à la sainteté, au paradis, parce qu'on leur avait enseigné que la nourriture était un pêché ; alors que les jeunes filles d'aujourd'hui s'affament parfois parce qu'elles croient que hors des stéréotypes de minceur et de beauté édictés par nos sociétés modernes l'enfer de l'ostracisme et de la marginalisation les attend. [...]
[...] Il est le premier à faire une description clinique de l'anorexie. Sainte Thérèse d'Avila (1512 1582), moniale castillane née Térésa de Ahumada y Cepeda, s'impose de nombreuses privations alimentaires et durcit encore la règle du carmel qu'elle ne trouve pas assez stricte. Elle subit, dit-on, des souffrances continuelles au caractère complexe et mystérieux : troubles nerveux avec répercussions sur l'estomac et les entrailles, évanouissements I 3 Du XVIIe siècle à nos jours En 1667, Marthe Taylor, fille de mineur du Derbyshire, présente un cas d'anorexie nerveuse qui la rend si célèbre qu'en quelques mois trois livres lui sont consacrés, et que le roi Charles II d'Angleterre nomme une commission pour l'étudier. [...]
[...] Par la suite d'autres travaux tentent de préciser l'organisation structurale de la maladie. Les méthodes thérapeutiques se diversifient et commencent à faire appel à la systémique, à la psychanalyse, à l'approche comportementale. Conclusion Ces continuités permettent de reconstituer une sorte de généalogie de l'anorexie mentale. En effet, les saintes jeûneuses préparent, malgré leur maintien de la référence ascétique et mystique, la laïcisation du jeûne que vont accomplir leurs puînées laïques, le refoulement de sa signification religieuse, en réalisant un modèle de comportement qui va diffuser de façon centrifuge au cours des siècles suivants. [...]
[...] II 2 La laïcisation et la période des descriptions cliniques Avec la fin du Moyen-Age, l'Église voit l'importance de son rôle diminuer. La privation extrême de nourriture a été l'une des raisons qui ont amené des femmes à la sainteté ; pouvoir vivre quasiment sans manger était le signe d'une possession divine. La question sera ensuite posée de savoir si cette possession ne serait pas maligne, d'ailleurs, la frontière entre les deux étant bien floue. Les autorités religieuses font alors appel à la science pour trancher, pour déterminer les limites Puis c'est la fin de l'obscurantisme et des superstitions médiévales, le passage par la Renaissance, préfigurant l'entrée dans le siècle des Lumières, de la connaissance. [...]
[...] Le cas de Sainte Catherine de Sienne a été étudié par de nombreux spécialistes des troubles du comportement alimentaire, parce qu'il est le reflet fidèle d'une réalité qui existe encore aujourd'hui, plus de sept siècles après sa mort. Parmi les antécédents qui ont pu conduire à la maladie, on note tout d'abord le décès à seulement quelques jours, d'une sœur jumelle, sacrifiée alors que Catherine survit. Puis une relation particulière avec sa mère, qui veille soigneusement à l'apparence physique de sa fille comme étant le moyen d'accéder au mariage, à la réussite sociale ; Catherine qui vers 6 ou 7 ans, a eu une première vision de Jésus, se rebelle et refuse de s'alimenter pour ne pas sombrer dans le pêché de plaire et respecter son vœu de virginité. [...]
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