Nous avons pu constater lors de notre travail avec les enfants que lorsque ceux-ci sont victimes de maltraitances, victimes d'enjeux d'adultes, ils se trouvent expulsés du monde de l'enfance et projetés sur une scène où ce qui leur est imposé reste inintelligible. L'expérience vécue est celle d'une perte absolue de protection interne et externe où se mêlent incrédulité, crainte, effroi, souffrance, incertitude. L'enfant ne comprend pas, ne perçoit pas ce qui est en train de se passer. La maltraitance, mais aussi les mesures prises pour sa protection, sont susceptibles de provoquer une intense souffrance psychique pouvant devenir traumatogène. Et quel évènement est plus traumatique pour un enfant que celui du changement de famille d'accueil quand il a déjà été abandonné ? Quel coup du sort serait plus difficile que de perdre de nouvelles figures parentales auxquelles il avait commencé à s'attacher ? Comment supporter l'angoisse liée à cette perte ? Ces questions ont déterminé le thème de notre questionnement, l'axe que nous avons gardé à l'esprit tout au long de notre conceptualisation.
Lorsque l'enfant est placé au centre de toutes les suspicions, lorsqu'il est examiné et entendu sans retenue par des médecins, psychiatres, psychologues, policiers, magistrats, enquêteurs sociaux, éducateurs, lorsque son quotidien est envahi par les auditions, les entretiens, les examens, les perquisitions, les confrontations, les évaluations, l'enfant disparaît. Seul reste un objet d'investigation exposé sur la scène désubjectivante des investigations médico-socio-psycho-judiciaires. L'enfant ne peut alors plus traduire ce qu'il vit, ce qu'il ressent ou ne ressent plus. Il ne peut plus restaurer des liens entre les événements, aucune pensée ne peut décrire les sensations ressenties, la souffrance endurée, la culpabilité éprouvée, la peur et toutes ses interrogations restées sans réponse. Dépossédé de son corps, dépossédé de son histoire, l'enfant est condamné à une situation de détresse et d'impuissance à agir et pouvoir modifier le cours du temps. Combien d'enfants ne comprennent pas les mesures décidées? Combien d'enfants quêtent une explication sur les raisons du désamour, du rejet parental ?
Cette dernière question a guidé notre recherche. La majorité des enfants que nous avons rencontrés étaient dans une quête éperdue pour comprendre ce qu'il leur arrivait et ce qui se passait dans leur vie. Ils effectuaient alors un véritable travail psychique, une véritable tentative de traduction, de mettre du sens sur les évènements qui menaçaient leur équilibre physique et psychique: une tentative de rendre intelligible ce qu'ils subissaient. L'enfant a en effet horreur du vide, sa réalité psychique ne supporte ni l'incertitude, ni le hasard et il déploie une énergie considérable pour décrypter les événements de vie qu'il subit et leur trouver du sens en fonction de la valeur qu'il leur accorde. Dans le monde de l'enfant, tout événement nouveau se trouve ainsi intégré, mis en sens dans son univers en fonction de ses capacités d'élaboration. Selon son niveau de développement, selon sa maturité affective, selon ses compétences cognitives, il élabore ainsi des théories sur tout ce qui lui arrive, sur tout ce qui le touche et qu'il ne comprend pas. Les théories sexuelles infantiles sur « comment on fait les bébés » ou « pourquoi les filles et les garçons ce n'est pas fait pareil », en sont des exemples. Les théories les plus surprenantes qu'ils pouvaient nous proposer portaient sur des « parents imaginaires ». Un garçon qui n'avait pas vu son père depuis des années disait que celui-ci allait venir le chercher le lendemain. Un autre dont la mère ne s'était jamais manifestée disait que celle-ci était chanteuse et vivait à New York. C'est sur cette entité bien particulière, objet d'inventions et de fantasmes que nous avons souhaité travailler.
[...] Acceptation du placement : Si au contraire l'enfant accepte que la famille d'accueil prenne entièrement la place de ses parents, il ne pourra qu'entrer dans un mouvement de dévalorisation à l'égard de ceux-ci. Les mauvais côtés de sa famille biologique seront mis en évidence par les comparaisons entre les deux familles. Il entre ainsi dans un mouvement de dévalorisation à l'égard de sa famille biologique mais également de lui- même. L'enfant peut ainsi donner l'illusion d'une bonne adaptation au milieu d'accueil, au prix d'un clivage de la personnalité, d'une atteinte profonde de ses capacités affectives et intellectuelles. [...]
[...] Nous présentons ici le résultat de nos analyses ainsi que leur synthèse analyse formelle 14.2 Analyse qualitative 14.3 Analyse de l'énonciation 14.4 Analyse structurale (sujet en quête de l'objet) 14.5 Synthèse La non-directivité a permis à Mme Quemin d'associer librement et de nous permettre ainsi d'appréhender un grand nombre de phénomènes de sa pensée. En dépit de certaines résistances défensives, elle a véritablement pu investir le temps d'écoute que nous lui accordions pour aborder, en profondeur, la question de son attachement pour Enzo. Cette affectivité est visible dès la première lecture et n'est pas feinte. [...]
[...] La chaîne parlée se présente sans limites et sans vectorisation. La perturbation du rapport au signifiant, et Enzo la subit, se manifeste dans les troubles du langage comme les néologismes (nombreux dans le discours d'Enzo), l'absence de métaphore (nous n'en avons relevé presque aucune lors de nos échanges), les phrases à caractère stéréotypé (l'entretien en est le meilleur exemple). Les points de capitonnage du discours, points d'attache fondamentaux entre signifiant et signifié ayant lâché et n'ayant jamais été établis, il s'ensuit leur développement séparé avec la prééminence du signifiant comme tel, vidé de signification. [...]
[...] (1983). Le test du dessin de famille, Paris, PUF. David, M. (1994). Le placement familial : de la pratique à la théorie, Paris, ESF. Dolto, F. (1984). L'image inconsciente du corps, Paris, Seuil. Dolto, F. ( n.d Entretiens avec Hamad. Destins d'enfants : adoption, familles d'accueil, travail social, Paris, Gallimard Düss, L. [...]
[...] Le test du dessin de famille, Paris, PUF. [62]Widlöcher, D. (1971). L'interprétation des dessins d'enfants, Bruxelles, Dessart. [63]Royer, J. op. cit. p [64]Ibid, p.78. [65]Ibid, p [66]Corman, L. (1982). Le test du dessin de famille: avec 103 figures, Paris, PUF, p [67]Corman, L. [...]
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