Ce n'est que depuis une trentaine d'années que les chercheurs investissent profondément le champ des interactions mère-enfant car le nouveau-né a longtemps été considéré comme un être totalement démuni face à son environnement. Désormais, il apparaît programmé pour s'accrocher à l'objet humain ; dès la naissance, c'est alors en véritable partenaire qu'il interagit avec son environnement social. En effet, la vie du nourrisson et les échanges privilégiés que celui-ci peut avoir avec sa mère sont déterminants dans la formation du Moi, la mise en place du Surmoi et la structuration d'une limite entre le dedans et le dehors représentée par la peau, qui serait, de plus une barrière protectrice contre les menaces externes mais aussi internes. Cette édification permettra à l'enfant, une fois adolescent de se séparer, de s'autonomiser, de se subjectiver en investissant le monde extérieur dans un climat de confiance et de sécurité. Elle lui permettra de se constituer une identité pour devenir un être unique, singulier à l'abri des attaques d'angoisse. C'est alors dans les soins maternels, que la mère investit le corps de son enfant pour conférer à celui-ci les bases de son image, c'est également à travers le dialogue tonique et les différents types de communications (visuelles, verbales, non verbales, tactiles, affectives…) que la mère reconnaît son bébé en tant que personne. Le contact peau à peau est essentiel dans la constitution d'un « moi-peau » non défaillant ; pour cela la mère aura joué son rôle de contenante, unificatrice et protectrice à travers les interactions avec son enfant. C'est cette fonction d'enveloppe que l'adolescent cherche à atteindre pour se prémunir contre l'angoisse de morcellement. Nous postulons l'absence de la fonction contenante chez certains adolescents tatoués. En effet, l'enjeu de l'adolescence est la conquête de l'autonomie. Comment, alors se séparer de ses parents si l'on n'est pas protégé contre les angoisses? Peut-être, alors, que le tatouage n'est qu'une solution à cette peau symboliquement trouée ; on peut alors se demander si l'expérience du tatouage adolescent aide le jeune dans son désir (plus ou moins inconscient) de séparation d'avec les liens maternels?
Pour cela nous étudierons les différentes théories sur les interactions mère enfant, l'implication du corps dans la construction de l'identité, le carrefour que représente la période adolescente et enfin l'enjeu des marques corporelles.
Toutes ces données théoriques, seront ensuite rapprochées à des résultats recueillis auprès de jeunes adultes s'étant fait tatouer adolescents.
Pour conclure, nous entamerons une discussion dans laquelle nous tenterons de confronter nos résultats aux théories antérieures et dans laquelle nous aborderons une autre manière d'aborder notre objet d'étude, à savoir, plus généralement, l'enjeu symbolique du tatouage pour tenter une compréhension pour les marques corporelles à l'heure actuel.
[...] 16) Connaissais-tu des troubles du sommeil lors de l'adolescence? 17) En as-tu encore aujourd'hui? 18) Est-ce que tu t'aimais à l'adolescence ; je veux dire, aimais-tu ton corps, ce que tu représentais, ta personnalité, etc. ? Quel rapport entretenais-tu avec toi-même? 19) Quel estime de toi avais-tu à l'époque? 20) Dirais-tu qu'à l'adolescence tu étais déprimé(e) voire, dépressif Est-ce que tu te sentais mal dans ta peau? 21) Avais-tu besoin des gratifications des autres, qu'on te valorise souvent, voir tout le temps? [...]
[...] Le surmoi de l'adolescent est désormais mature, sa présence intériorisée apporte la sécurité et la possibilité de réguler l'estime de soi; tâches qui étaient auparavant dévolues aux parents. L'adolescent doit également renoncer au statut d'enfant et faire ce que Ladame (1981) appelle le deuil de la mère refuge et plus précisément le deuil de l'investissement de certaines images de soi et des objets (30). A l'adolescence, une différence doit donc se creuser par rapport aux adultes pour qu'une conscience de soi puisse s'édifier ; [ ] les procédures symboliques de régression, d‘engloutissement, d‘ensevelissement, de métamorphose, de mort, de renaissance mais peut-être surtout de séparation d‘avec la mère, aboutissent à une sorte de naissance sociale au groupe, dans la référence à des règles et des croyances, des mythes collectifs, garants de soi et de l‘identité (reconnaissance statut, nom nouveau, marque sur le corps) (30). [...]
[...] Il nous faut chercher un compromis entre la classification romaine, les définitions du XVI, XVII et XVIII° siècle mais aussi entre celles définies d'un point de vue biologique, cognitif, affectif, social ou encore juridique. Si les définitions changent, la conception de l'adolescence à travers l'Histoire diffère également depuis la Grèce Antique, en passant par le XVII° et XVIII° siècle (apport des philosophes) jusqu'à nos jours. L'adolescence est une période de développement qui sépare l ‘enfance de l'âge adulte. Mais durant l'adolescence, l'individu n'est plus un enfant ni encore un adulte. [...]
[...] Ainsi, consciemment, elle ne cherchait pas à la conception de son tatouage à rompre avec les liens maternels. C'est pourtant une autonomisation en douceur qu'elle a tenté. En effet, elle pense l'expérience du tatouage comme une affirmation de soi, de sa personnalité. Fanny, à la fin de l'entretien répond à l'hypothèse de la séparation car elle nous explique que maintenant, elle n'a plus peur de faire ce qu'elle veut (sous entendu, contrairement à l'adolescence) je veux faire mes choix dit-elle donc c'est sûr ça reste une affirmation de soi Fanny ne veut pas vivre pour les autres, elle a fait ce tatouage parce qu'elle, en avait envie, quant aux autres, peu lui importe ce qu'ils en pensent. [...]
[...] Montrer son tatouage, c'est alors afficher sa différence. Selon certaines études, pour les garçons c'est une manière d'afficher sa virilité, de s'affirmer devant les autres, ce qui confirmerait l‘adage homme, un vrai, un tatoué Certaines jeunes filles se feraient tatouer pour projeter une image d'elles qui se veut forte. Le corps, dans nos sociétés apparaît donc bien comme un facteur d'individualisation, la marque corporelle signant l'appartenance à soi. Le tatouage offrirait un apport identitaire au sujet car il entraîne l'idée d'invulnérabilité de l'intégrité corporelle et psychique. [...]
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