L'enfant vit dans un monde de jouissance, de toute-puissance. Pour lui, il n'y a pas de manque possible, s'il y a manque, c'est l'Autre qui a. Du fait de la prohibition de l'inceste, le complexe d'Oedipe est le point nodal qui structure le groupe familial et la société humaine. Il s'articule avec l'angoisse de castration, qui permet à l'enfant de reconnaître la différence des sexes et des générations. Puis, à l'entrée de l'adolescence, le jeune, qui dépend de ses parents depuis son enfance, essaie de négocier un virage qui va lui permettre d'accéder à l'autonomie, celle de son être en tant que sujet désirant. Ce désir profond d'un être en devenir ne peut se réaliser au sein de deux générations qui composent une même famille, puisqu'il y a l'interdit de l'inceste. Cet interdit de désir à l'intérieur de sa famille organise la violence salvatrice qui va permettre à l'adolescent(e) de partir aimer ailleurs. L'adolescence est donc, la crise du désir, le passage existentiel nécessaire d'un désir attaché à la génération précédente à un désir voué à s'adapter ou à se nouer ailleurs (...)
[...] Au lieu de le conduire vers l'individualisation, le parent incestueux le contraint à rester dans la symbiose affective. Réapproprié par l'adulte, l'enfant devient sa possession. Il se vit comme indifférencié, confondu avec lui et perd alors sa qualité de sujet. L'humanisation implique la transformation d'un être totalement dépendant en un être capable de s'affirmer, à la fois comme une personne capable d'unifier ses tendances autour d'un Moi conscient et comme sujet moral, qui a le pouvoir de s'imposer des règles et de s'y tenir. [...]
[...] Je tente donc d'approfondir mes réflexions sur le thème de l'inceste de la part du père, par le biais de ce dossier, sur des questions qui m'importent plus particulièrement. Ainsi, dans un premier temps de mon exposé, je me suis penchée sur la problématique oedipienne engendrée par l'inceste. En effet, comment peut se faire la différence générationnelle alors que les repères de l'enfant ont explosés ? Comment peut il créer son identité alors qu'il a été atteint dans son intégrité corporelle ? Et de quelle façon le développement, la personnalité et le comportement d'un enfant victime de tels abus peuvent en être affectés ? [...]
[...] C'est la solution qu'il a construit, en conscientisant le trauma dans l'agir, car il n'a pas intégré ce vécu. Mais si l'enfant a été cru, soutenu et protégé par son entourage, s'il est capable d'exprimer sa colère et son malaise, s'il a pu métaboliser le traumatisme qu'il a subi, s'il a croisé un ou plusieurs adultes qui ont cru en lui, il pourra alors grandir et se construire plus sereinement. Et n'aura pas besoin de soulager sa souffrance en abusant d'un plus faible que lui, et en reproduisant ce qui lui est arrivé. [...]
[...] Cette façon de prendre en charge permet aussi de prendre du recul et d'être moins dans l'émotion et à l'enfant d'entrer d'emblée dans le processus de réparation. De même, une prise en charge auprès de ces enfants confronte inévitablement avec ses propres représentations de phénomènes très affectifs. A. MILLER affirme qu'"un enfant n'a d'autre choix que d'idéaliser et d'aimer ses persécuteurs, d'espérer qu'ils puissent un jour changer et de se cramponner à eux, parce qu'il n'a personne d'autre. Ce n'est que adulte qu'il pourra peut-être se débarrasser de ses attentes, de l'idéalisation et de l'attachement qu'il a envers eux." C'est le genre de représentation que j'ai eu du mal à accepter. [...]
[...] Il peut aussi éprouver une sorte de compassion paradoxale vis à vis de l'agresseur. Dès lors, il est parcouru par une sorte d'inclination réparatrice vis à vis de cet agresseur dans la mesure où il a perçu, au delà parfois de l'agressivité ou de la pression exercée par cet adulte, sa fragilité et sa vulnérabilité. Plutôt que d'aborder l'événement traumatique dans son contenu, le psychologue doit s'intéresser à ce que les révélations de cet événement ont suscité comme réactions chez l'enfant, car il est souvent plus apte à décrire les émotions des autres que les siennes propres. [...]
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