En guise d'introduction, il me semble nécessaire de questionner les raisons qui m'ont amenée à mettre en place un atelier conte et ce qui a orienté l'écriture de ce mémoire.
Lors de ma rencontre avec les enfants du Centre Médico Psychologique Infantile de Manosque, j'ai constaté que nombre d'entre eux souffraient de carences affectives et environnementales. Mon désir a alors été de leur offrir un espace qui leur permettrait de se nourrir psychiquement mais aussi de s'exprimer librement en mettant à distance leurs conflits. Le conte me semblait être un bon médiateur dans la rencontre avec les enfants : non intrusif, sécurisant, il permet de plus la mobilisation de la pensée et l'enrichissement de l'imaginaire. Les enfants, nourris d'images, peuvent se les approprier et ainsi réactualiser dans la situation du conte des désirs et des conflits internes et les symboliser.
C'est ainsi que sont apparus les premiers questionnements, qui ont débouché sur d'autres interrogations, élargissant sans cesse le débat et le champ des possibles. Le cadre de ce mémoire étant trop restreint pour explorer l'ensemble de ces questions, j'ai tenté d'ouvrir plusieurs pistes de réflexion mais il m'a fallu en privilégier certaines au détriment des autres. Ce mémoire représente donc le début d'un travail de recherche qui pourra être poursuivi par la suite.
En questionnant dans un premier temps l'intérêt thérapeutique du conte, j'ai été amené à m'intéresser au rôle de l'imaginaire dans la construction du Moi et dans l'élaboration d'une réalité intrapsychique. Il semblerait que le passage par la pensée imaginaire soit nécessaire dans l'appropriation par l'individu d'une réalité extérieure qui demeurerait impensable autrement. Le conte se placerait ici comme un outil thérapeutique permettant l'enrichissement et le déploiement de l'imaginaire. A cette question est venue s'ajouter celle de l'intérêt d'une approche groupale et comment les processus groupaux venaient renforcer les effets thérapeutiques du conte en articulant les registres intrapsychique et inter-subjectif. Le conte est incontestablement lié au groupe : d'une part, il est issu d'une pensée collective ; et d'autre part, il contribue, de par sa nature, à former et lier le groupe. Les résonances inconscientes entre les membres du groupe vont permettre l'inscription intrapsychique de ce qui opère dans l'espace inter-subjectif.
[...] Processus de contagion dans le groupe Suite à la demande de Benjamin lors de la séance précédente, je propose l'histoire de Maboule l'automobile et un autre conte des frères Grimm ("L'oie qui ne sera raconté qu'en partie : nous avons du l'interrompre suite à une trop grande agitation groupale. Il semble que l'excitation et la contagion soient à son maximum. Benjamin est d'emblée très agité, et Yacin, d'abord attentif, va très vite le rejoindre et l'imiter, l'agitation est à son comble. Ils lancent les coussins, soulèvent les matelas, courent partout et le cadre est mis à mal. On peut supposer que préalablement à cette contagion motrice, Yacin a dû être gagné par une contagion psychique. [...]
[...] Compte tenu des statuts manifestes adulte/enfant, la relation est nécessairement asymétrique. L'enfant ne se situe pas au même "niveau" que l'adulte, c'est un être en cours de développement, et il est dépendant de l'adulte depuis sa naissance. Il s'agit ici ne pas avoir une attitude parentale, éducative ou surmoïque pour ne pas influencer le comportement de l'enfant mais de lui laisser une libre expression en lui assurant sécurité et contenance. Pour espérer une "réelle" rencontre avec l'enfant, il faut dans un premier temps s'adapter à son mode de communication, qui ne passe pas essentiellement par le langage mais plutôt par le jeu et le dessin. [...]
[...] On ne peut penser l'imaginaire que dans ses rapports avec le réel et le symbolique. Lacan les représente par trois ronds de ficelle noués borroméennement, c'est-à-dire d'une manière telle que, si l'on défait l'un des ronds, les deux autres se défont aussi. Lacan parle du "registre imaginaire", du "registre symbolique" et du réel (le réel relevant de la catégorie de l'impossible, puisqu'inaccessible). L'imaginaire n'a de valeur qu'en tant qu'il accède au symbolique, la structuration symbolique disjoint l'imaginaire du réel L'imaginaire, toujours dans la théorie Lacanienne, n'est pas ce qui relève de l'imagination ni du fantasme, mais tous les faits qu'on peut rassembler comme effet de l'image, c'est-à-dire le caractère formateur de l'image. [...]
[...] Il crée véritablement une aire intermédiaire, où peuvent sans danger se jouer toutes les expériences. Le conte aide l'enfant à prendre de la distance entre la réalité et ses fantasmes, il lui permet de jouer avec ses peurs et ses émotions dans une aire transitionnelle. Ces récits indiquent à l'enfant que ses fantasmes, aussi violents que ceux des contes, ne sont ni uniques ni monstrueux. Les représentations dans les contes permettent à l'enfant de trouver un exutoire à ses angoisses. [...]
[...] Pour finir je dirais que c'est moins l'objet du conte en lui-même qui importe que ce qu'il a pu permettre à l'enfant en termes de relance de l'activité psychique et de symbolisation. Il serait intéressant de prolonger cette étude par l'utilisation de cet objet médiateur avec des enfants présentant des pathologies plus lourdes telles que la psychose ou l'autisme. Néanmoins le mystère de la rencontre d'une histoire avec la créativité de l'inconscient reste entier, tout comme celui de la rencontre entre individus. [...]
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