La prise en charge du sevrage tabagique se développe actuellement en France grâce à différentes techniques, certaines ayant fait leurs preuves scientifiques, comme les thérapies cognitivo-comportementales et l'utilisation de substituts nicotiniques. Il semble pourtant que l'une des difficultés importantes est le fait de parvenir à un arrêt à long terme. Cela nécessite une prise en considération de la fonction de la fume pour un patient donné et une proposition de moyens permettant de remplacer la cigarette dans les moments critiques où la rechute serait possible. En effet, certaines personnes arrivent à s'arrêter grâce aux méthodes actuelles utilisées en tabacologie (environ 50% des patients des consultations spécialisées), mais il est difficile de prévenir les rechutes qui ont lieu, parfois 10 ans plus tard, lors d'un événement de vie difficile.
L'objectif du présent mémoire est de chercher une méthode complémentaire qui offrirait des outils utiles pour éviter les rechutes. Ayant moi-même été fumeuse, je m'appuierai dans un premier temps sur une expérience personnelle avec une technique de thérapie-psychocorporelle appelée méthode Vittoz, puis sur le vécu d'autres ex-fumeurs pour comprendre ce qui les a aidé à tenir dans le temps. Je présenterai en dernière partie la mise en place d'un groupe d'aide au sevrage tabagique utilisant la méthode Vittoz.
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En tant que psychologue spécialisée dans le domaine des addictions, j'ai été sensible, dès la rentrée en première année de formation Vittoz, aux personnes qui fumaient durant les pauses. Mais quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu'en quatrième année, intriguée par l'histoire personnelle de chacun concernant le tabagisme, je me suis rendu compte que tous les élèves de la promotion s'étaient arrêtés de fumer ! (une personne a repris depuis ce qu'on appelle communément « les cigarettes plaisir »). De là est née mon idée de mieux comprendre ce qui a poussé les vittoziens à s'arrêter au cours de la formation : l'attention portée à son corps et aux sensations ? La capacité à gérer autrement les difficultés (énervement, tristesse, anxiété, etc.) ? La découverte de petits plaisirs qui jalonnent le quotidien ? Qu'est-ce qui se joue différemment dans une thérapie psycho-corporelle comparé à une thérapie verbale ?
Pour approfondir cette piste de recherche, j'ai commencé par analyser mon expérience personnelle face à la cigarette, à l'arrêt et au maintien de l'abstinence (domaine qui reste encore largement à explorer en tabacologie pour assurer une abstinence durable). J'ai ensuite réalisé une enquête auprès de fumeurs ou ex-fumeurs afin de recueillir leur expérience concernant le sevrage : leurs motivations, ce qui les a aidé lors de l'arrêt, par quoi ils ont remplacé les multiples rôles joués par la cigarette (...)
[...] Le Vittoz améliore l'hygiène de vie globalement donc ça aide aussi pour tout le reste ! Elle a également été en analyse, mais cela ne l'a pas aidé pour l'arrêt du tabagisme parce que je n'ai pas abordé la question et que ma psychanalyste fumait. Ça joue beaucoup, parce qu'il y a une identification Pour le sujet le Vittoz l'aide à ne prendre que les cigarettes qui lui font vraiment plaisir et à ne pas perdre le contrôle de sa consommation : je me pose la question : est-ce que t'en as vraiment envie ? [...]
[...] Degré de dépendance (d'après le test de Fagerström) Parmi la population étudiée, la majorité fume entre 10 et 30 cigarettes par jour. On repère un certain nombre de petits fumeurs qui sont soit en train de diminuer progressivement leur consommation, soit se disent peu dépendant et fument surtout le soir pour se détendre ou lorsqu'ils vont dans des fêtes, des dîners avec des amis. On note aussi la présence de quelques gros fumeurs qui sont fortement dépendants du tabac. Le nombre de cigarettes fumées donne une idée de la compulsion à fumer, celle-ci faisant parti des principaux signes de dépendance. [...]
[...] En quoi le Vittoz vous a aidé à arrêter ? Le sujet 1 s'est uniquement aidé de la méthode Vittoz Elle s'est arrêtée progressivement en commençant par fumer en acte conscient*8 pour sortir de la fume automatique. Fumer consciemment est déjà différent et les actes volontaires permettent de différer la prise de cigarette La réceptivité corporelle lui a permis de prendre conscience de ce que le tabac fait sur le corps : perte de l'odorat, toux matinale, La prise de conscience de ses difficultés affectives et les outils pour gérer ses émotions l'ont beaucoup aidé dans cette démarche. [...]
[...] Cela permet de le dé-stigmatiser : C'est le sevrage qui a été important pour moi de comprendre. Lorsque j'ai pu comprendre que cela n'était pas péjoratif, j'ai pu reconnaître ma dépendance, et l'accepter comme un phénomène normal (S62) GRIMBERT P., Pas de fumée sans Freud, Hachette Littérature p Un des participants met l'accent sur le fait de pointer l'aspect emprisonnant du tabagisme pour augmenter la motivation à l'arrêt : comprendre que c'est un esclavage et que l'on retrouve une formidable liberté (S2). [...]
[...] Le groupe apporte à chacun et à tous l'émulation, la dynamique des échanges sur l'apprentissage et le vécu des exercices, des processus identificatoires facilitateurs et surtout ce sentiment humanisant de n'être plus seul , de n'être plus le seul à vivre cela »55. L'intérêt du groupe Vittoz, comparé au suivi individuel, est que chacun peut bénéficier de la manière dont les autres vivent les exercices et les pratiquent. C'est au moment des temps de parole en début de séance (retour sur la pratique et le vécu pendant la semaine) et après chaque exercice, que cette découverte se fait, ouvrant de nouveaux horizons. [...]
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