La pratique de la réduction, telle que les physicalistes l'ont abordée, concernant les phénomènes mentaux, a fait couler beaucoup d'encre. Il s'agit en effet de savoir s'il est possible de réduire le vocabulaire usuel s'appliquant à l'esprit et à la conscience à un vocabulaire purement physique. C'est à ce projet que se sont attelés les béhavioristes. Pourtant, aujourd'hui le débat prend un autre tournant : il n'est plus question simplement de vocabulaire mais de nature même de la science et de la physique.
Dans les textes que nous voulons étudier dans cette présente étude, la distinction est bien établie entre la possibilité épistémologique pour la réduction d'atteindre les qualia et la possibilité métaphysique de l'identité entre états mentaux et états physiques.
En abordant les textes "What is like to be a bat" et "Omettre l'effet que cela fait", nous étions partis avec un a priori très fort, à savoir une opposition entre les thèses soutenues par les différents auteurs. Ce préjugé nous a empêchés d'avancer dans la compréhension des arguments de Joseph Levine. En effet, celui ne soutient nullement que la réduction puisse en l'état actuel des choses atteindre l'effet que cela fait, bien au contraire. L'enjeu de son article est de démontrer que l'impossibilité épistémologique mise au jour par les objections anti-physicalistes n'est pas contradictoire avec la véracité de l'identité entre états mentaux et états physiques. Pour cela, il démonte méticuleusement le fonctionnement d'une réduction pour comprendre pourquoi les réductions physicalistes du mental, pour l'instant, n'atteignent pas les qualia.
Nagel, d'une autre manière, tend à démontrer semblable chose : à savoir qu'il est dans la nature même de la réduction physique d'omettre l'effet que cela fait, sans pour autant enlever la possibilité future d'une explication adéquate et d'une identité réelle entre états mentaux et états physiques.
Le problème corps-esprit ne serait en effet pas aussi intéressant sans l'existence de la conscience. Celle-ci, donnant tout sa profondeur au débat, lui ôte aussi tout espoir de résolution pour Nagel. L'auteur de "What is like to be a bat?" ne donne pas une définition précise de ce qu'est l'expérience consciente, il travaille seulement à partir d'une caractéristique qui fait tout le nœud du problème, à savoir le fait que posséder une expérience consciente pour un organisme, entraîne forcément un effet d'être cet organisme, et donne donc un caractère subjectif à tout expérience. La nature de la conscience relie donc tout phénomène perçu et ressenti à une unicité de point de vue.
Pour Nagel, le problème du réductionnisme des états conscients relève donc entièrement de la relation de l'objectif au subjectif.
Levine, fait tenir la difficulté dans un autre registre, à savoir la non-causalité des phénomènes qualitatifs, qui les fait échapper à tout mécanisme de réduction.
Nous nous emploierons dans un premier temps à expliquer les points communs entre les conceptions des deux auteurs, à savoir le fait qu'une impossibilité épistémologique n'entraîne pas de fait une impossibilité métaphysique. Puis, nous essayerons de comprendre comment les deux argumentations fonctionnent, quelles fonctions les auteurs attribuent à la réduction et la nature des concepts qualitatifs.
[...] Au terme de cette étude, nous pouvons donc dire que ces deux textes, à savoir "What is like to be a bat?" de Nagel et "on leaving out it's like" de Levine, ne se contredisent pas fondamentalement. Les deux auteurs reconnaissent que la réduction des états qualitatifs à des états physiques échoue, à l'heure actuelle. Les argumentaires ne sont pas les mêmes : Levine met en effet en avant l'explication que doit donner une réduction pour être réussie, à savoir l'explication des causes et des comportements d'une substance. [...]
[...] Cet argument de Nagel semble pouvoir être rapproché, du moins au point de vue de la réponde de Levine, de l'exemple de Jackson sur la scientifique Mary. Rappelons brièvement cet exemple que Levine reprend presque intégralement dans son texte. Mary est une scientifique spécialisée en neurophysiologie de la vision et acquiert toutes les informations concernant les phénomènes nerveux et neurologiques qui se produisent à la vision de ce que nous nommons "rouge", "bleu". Mais Mary effectue ses recherches dans un environnement qui ne comprend que du noir et du blanc, elle n'a jamais vu de couleurs auparavant. [...]
[...] Mais il est en effet clair que la science en tant que "mode de présentation à la 3ème personne" telle que sa définition la pose d'ailleurs ne peut prendre en compte le mode de présentation à la 1ère personne. Cela relève de deux modes d'accès différentes. Le quotidien recèle de nombreux faits qui peuvent être appréhendés par différentes voies, ce qui explique d'ailleurs les différentes sciences, y compris les sciences sociales. Pour prendre un exemple sortant du domaine étudié, l'œuvre d'art est un objet qui peut être étudiée selon des méthodologies diverses : selon les rapports de proportion, selon un point de vue historiques, ou sociologique, d'après son contenu, ou alors selon un point de vue purement qualitatif, contemplatif. [...]
[...] Le cannabis modifie la transmission chimique régulant l'activité de ces zones. Bref, nous pouvons connaître l'effet des drogues en connaissant leur influence sur l'activité du cerveau. Pouvons-nous dire pour autant que ce savoir permet de savoir l'effet que cela fait d'être sous l'emprise d'une drogue. Et pouvons nous imaginer qu'un jour un vocabulaire spécifique, tel que Nagel le propose, permettrait de savoir l'effet que cela fait? Il semble bien que non, l'usage de la drogue ne serait alors plus nécessaire. [...]
[...] “What is like to be a de Nagel, et Omettre l'effet que cela fait de Levine: Vers une réduction possible du mental? La pratique de la réduction, telle que les physicalistes l'ont abordée, concernant les phénomènes mentaux, a fait couler beaucoup d'encre. Il s'agit en effet de savoir s'il est possible de réduire le vocabulaire usuel s'appliquant à l'esprit et à la conscience à un vocabulaire purement physique. C'est à ce projet que se sont attelés les béhavioristes. Pourtant, aujourd'hui le débat prend un autre tournant : il n'est plus question simplement de vocabulaire mais de nature même de la science et de la physique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture