Dans le chapitre "La peur de l'inceste", Freud établit un lien entre la psychologie des peuples primitifs dont nous descendons et la psychologie des névroses. Pour cela, il prend l'exemple de tribus actuelles, les peuples d'Australie, qui semblent n'appliquer aucune des règles ou croyances que nous connaissons dans nos civilisations. Ils vivent sans religion, sans maison, sans règles autres que celle des anciens. Ils semblent n'avoir aucune morale sexuelle telle que nous la connaissons. Par contre, on retrouve l'interdit de l'inceste.
Dans ces tribus, les institutions religieuses et sociales sont remplacées par le système du totémisme. Le totem est, la plupart du temps, un animal qui représente un groupe d'individus appartenant à la même tribu. Il devient l'emblème du groupe et son esprit protège ceux qui l'adorent. Il ne peut évidemment pas être mangé par les membres du groupe.
On célèbre le totem par des rituels et des danses cérémonials qui le rappellent. Le totem se transmet de la mère à l'enfant. Si une femme "émeu" se marie avec un homme "kangourou", les enfants seront "émeus". Chaque membre est subordonné au totem de manière plus forte que les liens du sang. Les membres du même totem ne peuvent pas avoir de relations sexuelles entre eux. Il s'agit de l'exogamie.
[...] On voit là, le lien étroit entre renonciation, tabou et névrose . Tabou et rapport à l'ennemi On rencontre certaines tribus qui entretiennent, avec leurs ennemis morts, des relations particulières. Certains, comme les sauvages de Bornéo, ramènent la tête coupée de leurs ennemis dans leur maison et lui vouent un véritable culte. Ils lui parlent gentiment, l'entretiennent avec affection, lui mettent les meilleurs mets dans la bouche. Tout cela pour inciter l'ennemi mort à aimer ceux de la maison. Certains Amérindiens restent en deuil durant plusieurs mois après avoir tué et scalpé un ennemi. [...]
[...] En effet, la légitimé exclusive d'une femme pour un homme n'existe par dans ce genre de culture. Ainsi, un individu considère comme tout homme de la tribu qui pourrait l'avoir engendré et mère toutes femmes du même totem. Dans cette logique ses frères et ses sœurs dépassent le nombre possible des liens du sang. On se rend bien compte que les possibilités de rapport amoureux sont immenses, mais que la possibilité de l'inceste est quasi nulle. L'exogamie devient alors le garant des rapports hors consanguinité. [...]
[...] Plus tard, le totem va devenir un symbole respecté, aimé et craint à l'image d'un père. Dans la plupart des mythologies et des religions, on retrouve l'idée du péché originel qui serait un parricide. Cette culpabilité originelle se serait transmise de génération en génération et justifie à elle seule nombre de névroses contemporaines et de comportements exogamiques dans diverses sociétés primitives. La reconnaissance de cette pulsion de mort existant en chacun de nous peut, si elle n'est pas dépassée au stade du complexe d'Œdipe, provoquer de graves névroses. [...]
[...] En effet, l'homme qui a enfreint le tabou devient lui- même tabou, car il suscite chez les autres un sentiment de jalousie: pourquoi ce qui est interdit lui serait, à lui, autorisé? Il est alors mis à l'écart, afin de protéger le clan des tentations d'imitation. En résumé, tabou primitif et névrose naissent d'un interdit autoritaire lointain. Le tabou comme l'interdit névrotique est dirigé vers les désirs les plus intenses et primaires de l'homme. La tendance à la transgression reste très puissante à l'esprit. Une renonciation très forte sera donc maintenue à l'esprit, et s'il y a violation d'un tabou, la punition sera une renonciation à autre chose. [...]
[...] Compte tenu du caractère primaire de l'enfant, l'interdit a été intégré sans vraiment supprimer la tendance. Le plaisir, lui, a été refoulé, alors que l'interdit est resté actif à la conscience. De cette situation découle une tension interne, entre tendance et interdit. La caractéristique de cette situation est l'ambivalence de l'individu par rapport à ses propres actions. La tentation du toucher reste forte, mais l'horreur que cela lui inspire aussi. Dans ce mécanisme, le refoulement ayant tellement bien réussi, que l'amnésie ainsi créée enlève toute possibilité de rendre la prohibition compréhensive. [...]
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