Michel Perrin est ethnologue. Il a vécu plus de trois ans avec les Guajiro du Venezuela et de Colombie, entre 1969 et 1985. Il a privilégié l'étude des mythes, du chamanisme et de l'art. Dans les Praticiens du rêve, il rend compte de deux regards, l'un plus subjectif qui est celui de l'individu, de l'homme qui vit une expérience avec les Indiens, et qui s'interroge sur ses relations avec eux. L'autre est un regard plus objectif, de chercheur.
Le livre peut être ainsi perçu, selon les mots d'un commentateur, comme une construction « qui entremêle les fragments de journal de terrain aux descriptions ethnographiques, les réflexions sur le métier d'ethnologue aux portraits d'informateurs, les considérations théoriques aux propos intimes sur les relations de l'auteur aux Guajiro ». L'étude du chamanisme constitue un engagement humain, géographique et théorique. L'auteur veut témoigner de son expérience, de sa démarche, de ses observations de terrain. Il rend compte de sa conception du métier d'ethnologue qu'il perçoit comme l'interprète, le médiateur de la richesse d'une culture différente en la rendant accessible à notre entendement.
[...] Après avoir présenté la société Guajiro, une société segmentaire, matrilinéaire, Michel Perrin, commence à évoquer les relations entre chamanisme et rêve. Selon lui, le chamanisme est un des grands systèmes imaginés par l'homme pour expliquer, soulager ou prévenir l'infortune Les rêves ont un usage intellectuel et social et sont une forme de communication entre les hommes. Les rêves structurent la société, ils forment un langage collectif et suscitent des échanges, permettent une intégration à la communauté. De plus, le rêve, lié à la maladie et à la mort, est étroitement associé au chamanisme. [...]
[...] La cure chamanique transforme l'impression, les affects et le sens critique du patient. Pour cela elle détient un rôle symbolique, économique, c'est une parole sacrée qui devient un outil thérapeutique. Le chamane prend en charge le malade et sa maladie, il accède à une connaissance sensorielle et intellectuelle du mal. Influence forte de la société extérieure, même si la culture traditionnelle reste dominante. Coexistence de plusieurs manières de vivre, Des indiens à camions partagés entre la péninsule et la ville. Zone frontalière, trafic, violence, délinquance. [...]
[...] Les rêves justifient le pouvoir thérapeutique et l'art de guérir. C'est également un moyen pour les hommes d'éviter la responsabilité individuelle. Avoir recours au rêve permet de ne pas agir en tant que sujet et échapper à un système de responsabilité pénale trop contraignant, car l'individu obéit au monde autre et non au rêveur. Il peut y avoir manipulation des rêves par le rêveur (pour en tirer profit), par l'interprète (en le simplifiant ou en arrangeant la cohérence). Néanmoins, des preuves de ces visions oniriques sont apportées pour prouver leurs bien-fondés. [...]
[...] Cela permet de dire et de traiter l'infortune. En effet, la narration des rêves permet d'exprimer l'angoisse des troubles biologiques en les reliant à un système de représentation, à une explication cohérente du monde. L'usage intense de l'interprétation du rêve peut aboutir à l'apparition de songes stéréotypés et à la réduction à des messages conformes aux songes. Il y a un lien effectif entre les prédictions de la clé et la réalité, car les individus modifient leurs projets en fonction de leurs rêves. [...]
[...] Les signes de sa vocation de chamane sont perçus comme de véritables symboles. La mythologie a un rôle important dans ce système notamment à travers les deux êtres mythiques principaux, Pulowi (maîtresse des animaux sauvages, des plantes, associée à la mort, principe féminin) et Huya (pluie, associé à la vie, la fécondité, principe masculin) qui synthétise le système dualiste guajiro. Le mythe du héros culturel, fondateur, Maleiwa est à l'origine des clés des songes, de l'explication des rêves, de leur signification. [...]
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