Cet ouvrage évoque le problème de la nosologie somatique, ou de la physiologie pathologique, exposé en liaison avec l'examen critique de la thèse du XIXe siècle selon laquelle les phénomènes pathologiques sont identiques aux phénomènes normaux correspondants, à des variations quantitatives près.
Pour agir, il faut localiser. La localisation claire de la maladie rassure. D'où le succès des représentations microbiennes des maladies contagieuses, qui contiennent une représentation ontologique du mal. Voir un être c'est déjà prévoir un acte. On a besoin de se rassurer car pour la guérison on attend tout de la technique et rien de la nature. Inversement, la médecine hippocratique offre une conception non ontologique et localisationniste, mais dynamique et totalisante : la maladie étant trouble de l'harmonie, elle est tout l'homme. Elle est réaction généralisée pour la guérison, c'est-à-dire tentative de rééquilibrer les humeurs. L'action médicale imite cette action médicale naturelle. Ces deux conceptions ont en commun de voir en la maladie une forme de lutte.
[...] La maladie joue le même rôle que l'expérimentation. Pour Lagache cela est impossible, car comme il n'existe pas de faits psychiques élémentaires séparables, on ne peut pas comparer les symptômes pathologiques avec des éléments de la conscience normale, pour la simple raison qu'un symptôme n'a de sens pathologique que dans son contexte clinique, qui exprime un trouble global. Contrairement à Ribot, Lagache pense que la désorganisation morbide n'est pas le symétrique inverse de la désorganisation normale. Minkowski pense également que le fait de l'aliénation ne se laisse pas uniquement réduire à un fait de maladie, déterminé par sa référence à une image ou idée précise de l'être moyen ou normal. [...]
[...] Une anomalie, spécialement une mutation, c'est-à-dire une anomalie d'emblée héréditaire, n'est pas pathologique du fait qu'elle est anomalie. Sans quoi il faudrait dire qu'un individu mutant, point de départ d'une espèce nouvelle, est à la fois pathologique parce qu'il s'écarte du type spécifique, et normal parce qu'il se maintient et se reproduit. Il n'y a pas de fait normal ou pathologique en soi. Le pathologique, ce n'est pas l'absence de norme biologique, c'est une autre norme mais comparativement repoussée par la vie. Ici se présente le problème des rapports du normal et de l'expérimental. [...]
[...] Broussais, dans De l'irritation et de la folie, reconnaît dans l'excitation le fait vital primordial. Les déviations, par excès ou par défaut, de cette excitation, sont à l'origine de l'état pathologique. La déviation par excès est plus grave que la déviation par défaut. Cela vaut pour les phénomènes mentaux comme organiques. Broussais confond dans la définition de l'état pathologique la cause et l'effet. Une cause peut varier quantitativement et provoquer des effets qualitativement différents. En fait cette théorie mêle les points de vue du malade et du savant. [...]
[...] Bernard est le premier qui ait affirmé l'identité physiologique des fonctions du végétal et des fonctions correspondantes dans l'animal. Qu'entend signifier Bernard en affirmant l'unité de la vie et de la mort? Refusant le matérialisme mécaniste, il affirme l'originalité de la forme vivante et de ses activités fonctionnelles. Reconnaître la continuité des phénomènes, ce n'est donc pas en méconnaître l'originalité. Bernard apporte à l'appui de son principe général de pathologie des arguments contrôlables, des protocoles d'expérience et surtout des méthodes de quantification des concepts physiologiques. [...]
[...] Les maladies ne sont qu'une modification quantitative de cette propriété. Les traiter, c'est corriger l'incitabilité en l'augmentant ou en la diminuant. La thérapeutique est fondée sur un calcul. Un disciple de Brown, Lynch, a ainsi construit une échelle des degrés d'incitation. Bichat, dans les Recherches sur la vie et la mort, oppose l'objet et les méthodes de la physiologie à ceux de la physique; l'instabilité et l'irrégularité étant des caractères essentiels aux phénomènes vitaux, c'est les dénaturer que de les faire entrer dans le cadre rigide de relations métriques. [...]
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