Pour porter un regard analytique sur la civilisation, du point de vue psychologique, c'est-à-dire en ce que l'on pourrait transposer à la civilisation les processus psychiques à l'œuvre dans l'individu, Freud tente d'abord de tracer les contours de ce qu'il choisit de nommer indifféremment « culture » ou « civilisation ». Il s'agit de l'organisation des sociétés humaines dans l'accomplissement de leur objectif : maîtriser la nature afin d'en tirer les objets nécessaires à la consommation des hommes, et arranger les relations humaines pour le fonctionnement optimum du groupe, en exigeant d'eux des « sacrifices pulsionnels », autrement dit de renoncer à la satisfaction de certaines pulsions. Ainsi Freud envisage-t-il la civilisation comme la contrainte au travail et au renoncement pulsionnel de la majorité, des « masses », exercée par une minorité qui a su imposer sa domination, et éviter l'émergence des tendances anti-sociales. Pour ce faire, la culture doit mettre en place un système de dédommagements des masses pour lesdits renoncements pulsionnels, et c'est cela qui en constitue le fonds animique.
Le premier mode de contrainte est celui de l'intériorisation totale de certains interdits nécessaires à la vie en groupe, niveau le plus élémentaire de la civilisation : intériorisation totale de l'interdit du cannibalisme, et presque totale de l'interdit de l'inceste et du meurtre. Ce processus est renouvelé lors du développement de chaque enfant, de la mise en place de son surmoi, et concerne tous les individus, sous réserve d'envisager les névroses.
[...] Si l'illusion n'est pas démontrable, en échange elle n'est pas non plus réfutable, et c'est de cette irréfutabilité et de ce désir que surgit la notion de croyance qui fait la fortune des religions. Elles répondent par une heureuse coïncidence aux désirs les plus puissants de l'humanité. Tant elles sont invraisemblables, certaines assertions religieuses ressortissent même pour Freud, au-delà des illusions, à des « idées délirantes ». Elles fondent de solides croyances, ainsi que le montre le credo quia absurdum des théologiens chrétiens. Comment abattre les illusions religieuses sans saper les fondements mêmes de la culture ? [...]
[...] Le premier mode de contrainte est celui de l'intériorisation totale de certains interdits nécessaires à la vie en groupe, niveau le plus élémentaire de la civilisation : intériorisation totale de l'interdit du cannibalisme, et presque totale de l'interdit de l'inceste et du meurtre. Ce processus est renouvelé lors du développement de chaque enfant, de la mise en place de son surmoi, et concerne tous les individus, sous réserve d'envisager les névroses. Certains interdits, en revanche, ne concernent qu'une partie des individus, et ne sont donc pas intériorisés : leur bien-fondé est remis en question par ceux qui les subissent, et cela sème les germes de la révolte. [...]
[...] Mais le principal biais de sujétion de l'homme à la culture se trouve dans les représentations religieuses. Face aux dangers de la nature, l'homme social réagit par l'humanisation des forces à l'œuvre dans la nature. Elles lui apparaissent alors domptables ; il lui semble qu'un commerce est possible avec elles. Ce faisant, il répète le schème comportemental du petit enfant face au couple parental, et particulièrement face au père, personnage surpuissant dont on recherche la protection et dont on craint le mécontentement, la colère, l'abandon synonymes de mort certaine. [...]
[...] En effet, Freud attribue une origine pulsionnelle aux comportements sociaux, et à leurs manifestations culturelles. Il compare en effet l'évolution de la civilisation depuis les temps préhistoriques jusqu'au XXè siècle au développement de l'enfant. Ce dernier est la proie de nombreuses pulsions qu'il doit refouler, principalement dans sa relation au père (complexe d'Œdipe), ce qui crée son angoisse et les différentes phases névrotiques de son développement. De même, l'humanité doit refouler ses pulsions collectives afin d'organiser la vie en société. [...]
[...] Et pourtant, Freud est résolument optimiste. Il estime inexorable la fin des religions : foi dans la science, dans la poussée évolutive, dans le primat de l'intelligence. Il reste conscient des critiques que l'on peut adresser à sa théorie du nécessaire « primat de l'intellect ». Tout d'abord, l'idée de l'avènement d'un monde gouverné par la raison est elle-même une illusion, puisque la vie pulsionnelle demeure plus forte que la raison. Par ailleurs, une fois éradiqué l'endoctrinement du catéchisme, il faudra bien canaliser les pulsions de l'enfant au cours de son développement, afin d'en faire un être socialisable. [...]
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