Je me suis intéressée au livre de Patrick Baudry, Le corps extrême, Approches sociologiques de conduites à risques, l'Harmattan, 1991 et plus particulièrement au chapitre intitulé la disparition du corps. Celui-ci est divisé en quatre parties qui sont la faiblesse du corps, l'exigence de la forme, de la prudence à l'ivresse et le corps éclaté. Son argumentation est basée sur le procédé de caricature. Son ouvrage comporte énormément d'exemples pour étayer ses propos.
Dans la première partie, il nous montre le corps comme futur cadavre, que la vie est un processus de cadavérisation. Il montre que le corps est le producteur de ses propres désordres.
Dans la seconde partie, il nous montre, via divers exemples, que la cosmétique permet de lutter contre ce processus mortel. Il ne faut plus seulement être en bonne santé, mais en forme. Dans la partie suivante, il s'agit de faire disparaître le corps, pour qu'il devienne un engin de puissance. Les conduites à risques montrent un corps qui s'éclate.
La dernière partie nous montre divers exemples de publicités qui font l'éloge de la prise de risque et de la jouissance. Les médias mettent en avant le dépassement de soi, ainsi que le dépassement des limites. Il s'agit, via ces dépassements, d'un accomplissement personnel, mêlé à une autosuppression.
A travers ce chapitre, plusieurs questions s'offrent à nous : en effet, on peut se demander quelle est la perception du corps dans la société, sommes nous dans une société du risque, ou encore, quelle est la place du risque dans les médias ?
Afin de répondre à ces interrogations, je vais m'appuyer sur 3 chapitres : celui dont j'ai parlé précédemment, LEBRETON David, L'adieu au corps, chapitre 1 le corps accessoire, Métailié, 1999 et du même auteur, Passions du risque, chapitre 3 Passions du risque, Métailié, 1996.
J'ai décidé de regrouper toutes ces interrogations sous une problématique plus générale : quels sont les moteurs des conduites à risques ?
Afin de répondre à cette question, nous allons voir dans un premier temps, la perception du corps dans la société, puis dans un second temps, la médiatisation de l'extrême.
[...] Le corps devient machine. Pour se sentir bien dans sa peau, l'individu se défonce jusqu'à l'épuisement. Les risques sont pris, comme si le risque de mort n'existait pas. Peut-être que sous ces formes de conduites paradoxales s'élaborent de nouvelles formes sociales ? La société a-t-elle perdu ses repères ? [...]
[...] Non seulement de lutter contre toutes les menaces de mort de notre corps, formes disgracieuses, rides, cernes, nous voulons l'effacer. La mort étant un processus interne mêlé avec le processus d'existence, l'idéal serait de se sortir de ce corps porteur de mort, et donc par lequel nous nous tuons. Le corps est faible. La technologie corporelle existe pour nous le rappeler. Elle fabrique le fantasme du remplacement du corps. La notion de forme met en avant le fait d'affiner, raffermir et amincir le corps. [...]
[...] Ces pratiques poursuivent un idéal de maîtrise de soi, car elles mettent à l'épreuve les nerfs de l'individu, le portant à la limite de la défaillance. L'individu, pour s'assurer de son existence, va au bout de ses forces. Le corps devient adversaire, il faut le soumettre. Il devient le partenaire d'une lutte contre le désir de tout abandonner. C'est lui qui attestera de la réussite de l'exploit. La mort est tenue à distance, elle est métaphoriquement touchée. Des publicités pour du trekking vantent la douleur provoquée et insistent sur l'intensité physique de telles marches. [...]
[...] Idéologie du corps Les usages sociaux du corps sont associés aux logiques de pouvoir et aux logiques sociales. Il en dit plus aux autres que ce que l'on voudrait, il nous trahit par ses défaillances. Nous ne sommes pas surpuissants, bien qu'on le souhaiterait. C'est pourquoi nous voulons maîtriser ce corps, quitte à l'effacer. Bien que nous soyons conscients du processus de cadavérisation qui se joue en nous, la société nous montre constamment des corps lisses et nets. Il faut utiliser la cosmétique pour retarder ce processus. [...]
[...] La saleté devient un signe de désordre sanitaire et social. L'hygiénisme n'est plus seulement une logique de protection de soi contre le monde, mais aussi à se protéger de soi-même. En refoulant la nature du corps et ses désordres, c'est la mort que nous refoulons. Aujourd'hui, la promenade est devenue mouvement, et les aliments, calories. La société réduit la vie à un processus chimique. Le corps contient la mort, et nous avons un rapport suicidaire avec lui, dans la vie quotidienne. [...]
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