L'observation suivante retrace les lignes marquantes d'un travail effectué sur plusieurs mois avec Madame Ch., nonagénaire psychotique. La patiente, déclarée par le corps médical comme souffrante de la maladie d'Alzheimer, réside dans un EHPAD depuis quelques années.
Les premiers entretiens cliniques effectués avec Madame Ch. ont été particulièrement intenses et m'ont permis de poser un diagnostic de psychose sur lequel je n'ai pas eu à revenir. Aussi, la première partie de cette vignette clinique s'articule autour de ces premiers entretiens et de l'émergence d'un point de butée relatif au silence, celui de l'analyste, inhérent à la rencontre clinique (...)
[...] ont été particulièrement intenses et m'ont permis de poser un diagnostic de psychose sur lequel je n'ai pas eu à revenir. Aussi, la première partie de cette vignette clinique s'articule autour de ces premiers entretiens et de l'émergence d'un point de butée relatif au silence, celui de l'analyste, inhérent à la rencontre clinique. Présentation de Madame Ch. C'est après avoir consulté le dossier médical de Madame Ch., faisant référence à des chutes récurrentes, que je décide de m'entretenir avec elle pour la première fois. [...]
[...] Cependant, la vieille femme visiblement étouffée par le jaillissement inattendu de ce silence montrera alors les signes d'un profond désarroi, d'une grande angoisse. Haletante, elle se mettra désespérément à chercher quelque chose à quoi se raccrocher physiquement, avant d'attraper le téléphone et d'appuyer au hasard sur toutes les touches dans l'espoir que quelqu'un réponde à son appel. En effet, faute de disposer de la fonction paternelle et d'avoir assumé la castration, l'incomplétude de l'Autre incarnée par mon silence est insupportable et énigmatique pour Madame Ch. [...]
[...] suspecte elle-même l'origine psychique de cette gêne. Néanmoins, tandis que lors de nos premiers entretiens cette femme âgée m'exprimait le doute et la perplexité qui l'habitaient, un travail de significantisation de la jouissance délocalisée commencera à émerger timidement. Par ailleurs, le discours de la résidente, ponctué de silences embarrassés, de blancs, d'absences, ou de formulations attestant qu'elle perdait absolument le fil de la discussion, témoignait fréquemment du déchaînement du signifiant. Emergence de l'Autre non barré. Madame Ch. me fera finalement part de sa propre conception concernant l'origine de cette douleur. [...]
[...] Je ne désire plus rien, je me fiche de tout J'espère que ça va changer. Je me considère sans foi ni loi. Mais j'espère que ça revienne car on n'est pas heureux. Je croyais en Dieu, je croyais en tout, mais j'y crois plus. Je voudrais mourir. Mourir pour vous libérer ? dis-je à la patiente. Oui pour me libérer. C'est parce que vous ne désirez plus rien, au fond c'est comme si vous étiez déjà morte ? Oui et autant avant j'avais envie de mourir, mais maintenant je me fiche de tout, reconnaîtra-t-elle - C'est encore plus difficile qu'avant ? [...]
[...] Elle me révélera ainsi que ce paquet noir l'empêche de voir Dieu, qu'il est contre Dieu En effet, le Diable comme figure de la tentation ou de l'envie, dans son rôle de séducteur[11], est l'incarnation maîtresse du désir de l'Autre absolument menaçant pour Madame Ch. ne disposant pas du signifiant lui permettant d'y donner une réponse phallique. Elle ajoutera par ailleurs qu'il lui inspire la haine contre Dieu une remarque pertinente dans le sens où la patiente tente de préserver la complétude de l'Autre Divin. En outre, ne disposant pas du fantasme fondamental propre à parer le désir de l'Autre, Madame Ch. [...]
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