Cet exercice a été abordé, pour ma part, avec appréhension de par l'absence de consigne, la crainte que le sujet n'ait rien à dire et essentiellement, l'angoisse quant à mon rôle. En effet, la crainte des silences, pourtant propres à tout entretien, hantait mon esprit. Durant l'entretien j'élaborais sans cesse des relances éventuelles, si bien que ma disponibilité quant à l'écoute de Madame S. s'en est trouvée réduite. La crainte d'un silence prolongé sans relance appropriée de ma part, m'a fait perdre toute spontanéité et toute disponibilité. S'ajoutant à cela, la présence d'un fond sonore qui influença ma concentration ; aussi avais-je des difficultés pour penser, associer et adapter mes interventions à celles de Madame S.
Je me suis sentie débordée dans mon rôle à plusieurs reprises, signe d'un malaise quant à la définition de celui-ci pour cet exercice. « L'entretien vide » que je redoutais tant par la présence de silences, et d'un faible contenu, s'est finalement avéré être très dynamique quant au rythme et l'abondance du flux de parole de Madame S. Cette abondance prendra le sens, après-coup, après analyse de l'entretien, d'une mise à distance à travers l'attachement au concret et aux détails. Mon attention a eu du mal à s'attacher aux propos de Madame S., d'où une difficulté d'élaboration et de relance.
De plus, un certain malaise s'est installé, de par mon ressenti quant à une inversion des rôles lors de sa question personnelle : « vous avez des enfants ? ». Le fait d'avoir travaillé sur le questionnement en TD, à savoir comment réagir face à un retournement des rôles, me donnait les outils quant à savoir quoi répondre. Cependant, je craignais peut-être de la blesser en refusant de répondre à sa question, ce sentiment étant d'autant plus renforcé que je me sentais redevable, du fait que Madame S. ait accepté de passer cet entretien. Ainsi, « le fantasme de dangerosité » ou encore le fantasme d'être « mortifère, meurtrière et mortifiée » , semble avoir été activé à ce moment de l'entretien. La crainte de paraître mal aimable et blessante, opposée à celle de ne pas assurer mon rôle de « psychologue », me torturait, meurtrissait et « mortifiait » l'esprit. Un long silence s'est amplifié par un sentiment de malaise qui était visible sur mon visage. Mon éreuthophobie envahissait alors mon esprit et l'encombrait ; l'éreutophobie étant définit comme : « la peur de rougir devant les autres. Le sujet craint que son rougissement soit interprété comme un indice trahissant ses sentiments cachés » . Ma crainte de rougir et que Madame S. s'en aperçoive était très forte, l'angoisse étant que Madame S. interprète ce malaise comme une incapacité de ma part à faire face à la situation, qui remettait alors en cause mon rôle de psychologue. La perte de spontanéité dans ma réponse s'est soldée par une réplique lapidaire : « pas encore », qui a suscité, dans un mouvement presque « sadique » de la part de Madame S., une nouvelle question : « vous en voulez ? Vous en voudriez ? ». La réponse qui s'en suit : « on verra ça plus tard » est porteuse d'un double sens : « les enfants se sera pour plus tard », et rend compte également de mon agacement sur le moment, qui pourrait se traduire de la façon suivante : « ne parlons pas de ça maintenant, ce n'est pas le sujet, on pourra y revenir peut-être plus tard, après l'entretien ». Ici, la hantise quant à la présence du dictaphone s'est réactualisée. Dans une volonté de réajustement quant aux rôles, j'ai très rapidement posé une question, énoncée avec confusion, de par ce souci de redevenir rapidement maître de l'entretien : « et par rapport à, au métier de votre mari… Est-ce que euh…vous trouvez, enfin comment vous percevez votre rôle de maman, est-ce que c'est plus difficile en fait, de par l'absence de votre mari, assez régulièrement… ». Je cherchais à rétablir la position asymétrique propre à l'entretien clinique , qui venait de s'inverser avec les questions de Madame S. Comme je le préciserai plus loin dans ce travail, la question que je lui ai posée renvoie à une préoccupation personnelle. Ainsi les défenses mises à mal, tout contrôle et réflexion sur soi pendant l'entretien quant à l'ajustement au patient, se sont levés et ont laissé libre court aux reviviscences qui ont été sollicitées par l'histoire de Madame S. Mon malaise quant à mon rôle dans cet exercice se fait ici entendre.
[...] Donc quand il rentre lui euh, en fait nous y a pas de euh, de comment dire, y'a pas de euh monotonie du couple ou j'en sais rien, parce que on est euh, quand on se revoit euh, bein, ça fait longtemps qu'on s'est pas vus donc c'est cool ou c'est pas cool, parce que aussi euh, moi quand il part j'ai une certaine façon de faire les choses, j'suis toute seule, j'm'organise, j'fais ma vie, j'suis quand il revient d'un coup euh, il chamboule tout euh (rires) et il euh, il prend un peu plus d'espace machin, donc des fois c'est aussi euh, tu me dérange (rires) Mouaiss il faut un ou deux jours pour me réhabituer des fois c'est rigolo. (s'adresse à son mari qui monte) Tu vas chercher chouquette ? Le mari : Elle te fait une consultation ? Madame S. [...]
[...] Avec deux on est obligé ! Faut tout oublier ! en plus de ça il faut donner à manger à telle heure, faut euh, pour sa tété j'vais pas non plus me mettre eu, sur un banc publique euh pour la tété (rires) ! Donc euh, faut que j'calcule aussi à peu près pour être à la maison ou à un endroit où je peut lui donner à manger sans euh, faire l'exhibitionniste (rires) ou j'en sais rien. Euh, donc ouaiss faut s'organiser, donc bon après !j'suis aussi euh !j'suis aussi un peu euh, j'fais peut être aussi mon bazar, y'a certains jours où j'aurais pas envie de faire ci ou ça, mais là, on a quand même pas le choix que d'être organisé. [...]
[...] Alice : De quoi vous avez si peur en les laissant à quelqu'un d'autre ? Madame S. : De tout et de rien parce que alors je saurais pas dire exactement euh, le truc précis qui va m'angoisser, qui m'faire peur parce que j'veux dire avec ma mère euh, j'vois pas ce qui (rires) j'vois pas ce qui peut se passer, non c'est juste que euh, c'est, c'est un petit bout de vous quoi ! On, on a du mal à à le laisser comme ça, parce que sans vous on se dit que, on s'imagine que sans vous ils sont perdus euh, que (rires) alors que, je suis sûre que ils s'en fiche (rires) pas qu'ils s'en fiche mais que bon euh, bah p't'être, p't'être pas le bébé, bébé, mais par exemple J. [...]
[...] Vous en voudriez ? La réponse qui s'en suit : on verra ça plus tard est porteuse d'un double sens : les enfants se sera pour plus tard et rend compte également de mon agacement sur le moment, qui pourrait se traduire de la façon suivante : ne parlons pas de ça maintenant, ce n'est pas le sujet, on pourra y revenir peut-être plus tard, après l'entretien Ici, la hantise quant à la présence du dictaphone s'est réactualisée. Dans une volonté de réajustement quant aux rôles, j'ai très rapidement posé une question, énoncée avec confusion, de par ce souci de redevenir rapidement maître de l'entretien : et par rapport à, au métier de votre mari Est-ce que euh vous trouvez, enfin comment vous percevez votre rôle de maman, est-ce que c'est plus difficile en fait, de par l'absence de votre mari, assez régulièrement Je cherchais à rétablir la position asymétrique propre à l'entretien clinique[3], qui venait de s'inverser avec les questions de Madame S. [...]
[...] Oui et non disons que ça va être en fait décalé par rapport voilà, par rapport à , par exemple quand on veut faire des sorties entre potes euh, ça va être peut être plus décalé que, que eux voilà ils commencent tout juste à faire leur euh, leur vie de famille etcetera, nous on est déjà dans le deuxième, il faut que c'est vrai quand on vient ( ) bon bah voilà c'est bon on peut y aller euh, eux ils seront peut être encore à se dire oui mais moi faut encore que j'aille chez la baby-sitter, le machin le truc muche, bon euh, bé euh, pff, sinon euh, sinon non pas de regrets (rires). Pas de regrets. [...]
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