Il nous arrive souvent de nous rendre compte, dans de simples événements de notre vie quotidienne, du caractère limité de notre attention. Plongé dans une lecture, concentré sur sa conduite automobile ou captivé par les propos d'un professeur, on ne remarque plus ce qui peut se passer autour de soi. William James définit l'attention comme « la prise de possession par l'esprit, sous une forme claire et vive, d'un objet ou d'une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles (...). Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres ». Être attentif à un événement implique donc d'être inattentif à d'autres. Beck, Muggleton, Walsh et Lavie (2005) ont montré que ce phénomène d'aveuglement du cerveau était le fait de l'activité du cortex pariétal droit, non impliqué dans le traitement des informations visuelles, mais dans la conscience sensorielle et la concentration : lorsque cette zone est stimulée, en fixant un point lumineux, on commet des erreurs dans le repérage des différences entres deux photos successives, réparties de part et d'autre de ce point. Cet aveuglement au changement, ou attention sélective, bénéficie ainsi aux magiciens. Ceux-ci manipulent aisément leur auditoire en exploitant les failles de leurs mécanismes cérébraux : un ensemble de « feintes cognitives » amènent les spectateurs à centrer leur attention sur des événements non pertinents ou à faire des suppositions erronées sur le but d'une action (Macknik, Martinez-Conde et Blakeslee, 2010).
Notre étude a pour objectif de montrer que l'aveuglement inattentionel n'a pas la même fréquence d'apparition selon les caractéristiques de l'objet inattendu. En effet, plus le stimulus inattendu est similaire aux stimuli sur lesquels portent notre attention, plus nous serons susceptibles de le remarquer. Simons et Chabris (1999) ont ainsi montré que, lors du visionnage d'une vidéo, 58% des participants devant suivre du regard des joueurs de basket vêtus de noir remarquaient le passage d'un homme déguisé en gorille à travers le terrain, quand ceux qui devaient se concentrer sur les joueurs vêtus de blanc ne le remarquaient que dans 27% des cas. Nous voulons également montrer, avec un support différent, qu'une similarité de couleur du stimulus non pertinent avec le stimulus pertinent favorise ce phénomène d'aveuglement. Pour cela, nous avons utilisé une animation informatique : à l'intérieur d'un cadre, des figures se déplacent et le sujet doit compter le nombre de fois où un certain type de figures, sur quatre proposés, rebondit sur les bords du cadre. Lors d'un essai critique, l'image d'une araignée traverse l'écran. Notre hypothèse est que les participants ayant à compter le nombre de rebonds d'une figure noire remarqueront davantage l'apparition de l'araignée que ceux ayant à s'intéresser à une figure blanche (...)
[...] Connaître les implications de l'aveuglement inattentionel ne nous délivre pas de notre condition d'aveuglés inattentionels. C'est ainsi que l'effet de la position de l'essai que nous avons calculé n'était pas très significatif : même après avoir lu la consigne suggérant qu'un stimulus non pertinent pouvait apparaître, la plupart des sujets ne l'ont même pas aperçu. Notre attention, directement liée à la qualité de notre perception, semble donc se heurter à de nombreuses limites. Mais la découverte et la compréhension progressive de ces limites et des mécanismes cérébraux qui en sont la cause pourraient permettre le traitement des déficits de l'attention, liés à de nombreux troubles de l'apprentissage et du comportement chez l'enfant. [...]
[...] Des études futures pourront explorer la possibilité d'une influence d'autres caractéristiques du stimulus inattendu dans le phénomène de l'aveuglement inattentionel. V. Conclusion Dans cette recherche, les étudiants devaient compter le nombre de rebonds d'un type de figures, sur 4 proposés, se déplaçant à travers l'écran lors de plusieurs films de 15 secondes. Lors de deux essais, une araignée traversait l'écran. Ils ont davantage remarqué le stimulus non pertinent lorsque celui-ci était de la même couleur que les stimuli pertinents : lorsqu'ils devaient compter le nombre de rebonds d'une figure noire, ils repéraient plus souvent l'araignée qui traversait l'écran que lorsqu'ils devaient s'intéresser à une figure blanche. [...]
[...] Pour ce qui est du contrôle des biais éventuels, nous avons veillé à ce qu'aucun des participants n'ait une connaissance préalable de la tâche et, plus généralement, des travaux sur l'aveuglement inattentionel. III. Résultats Si la couleur du stimulus inattendu est similaire à celle des stimuli attendus, cela le rend-il plus susceptible d'être remarqué ? Lors de l'essai ont repéré l'araignée parmi les 7 qui devaient compter les rebonds d'une figure blanche et 9 sur les 12 qui devaient compter les rebonds d'une figure noire et, lors de l'essai sur les 9 qui devaient compter les rebonds d'une figure blanche et 8 sur les 10 qui devaient compter les 4/7 rebonds d'une figure noire. [...]
[...] VI. Références bibliographiques Beck, D.M., Muggleton, N., Walsh, V., Lavie, N. ( 2005 Right parietal cortex plays a critical role in change blindness. Cerebral Cortex, doi: 10.1093 /cercor/bhj017. Devue, C., Belopolsky, A.V., Theeuwes, J. ( 2011 The role of fear and expectancies in capture of covert attention by spiders. Lemercier, C., Cellier, J.M. ( 2006 Les défauts de l'attention en conduite automobile : inattention, distraction et interférence. Le Travail Humain, tome 71, n°3/2008, 271-296. [...]
[...] Les sujets Les participants sont des étudiants de psychologie de 2e année. Venus pour assister à leurs travaux dirigés de psychologie cognitive, on leur propose de prendre part à l'expérience. Disposant d'un nombre limité d'ordinateurs, nous choisissons aléatoirement 19 sujets parmi l'ensemble de la classe. Ils n'ont donc pas été sélectionnés en fonction de critères spécifiques : ce sont des étudiants des deux sexes, âgés en moyenne de 19 ans et ne présentant aucun trouble susceptible d'entraver la bonne 2/7 compréhension et la bonne réalisation des consignes expérimentales. [...]
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