Dégager les principes d'une science qui unirait la psychologie à la biologie est une ambition fondamentale de la philosophie de Raymond Ruyer, qui s'appliquera toujours à démontrer que psychisme et vie désignent la même réalité, nourrie par la même source spirituelle. Et si les Eléments de psycho-biologie se réclament d'emblée d'une métaphysique du développement, c'est qu'ils se proposent d'explorer ce mode plus fondamental de la réalité transversale à l'espace et au temps, manifeste dans la formation et l'existence en ligne continue des êtres vivants. Car une telle pensée de la vie sur le modèle de la conscience implique tant une défense du finalisme, qu'un immense plaidoyer pour l'irréductible.
Toute l'analyse de Ruyer tend en ce sens à dénoncer l'insuffisance de la réduction de l'organisme aux lois physico-chimiques, qui conduit à quatre impasses théoriques : comment expliquer la structure complexe de l'organisme, et son apparition par épigenèse ? Comment rendre compte du caractère thématique de l'organisation et des organes, qui ne sont pas formés de matériaux de construction, mais de systèmes se commandant mutuellement, et représentant de véritables outils ? Comment expliquer le caractère historique des organismes, qui ne sont jamais purement et simplement en équilibre avec les conditions instantanées ? Comment enfin comprendre les rapports étroits entre le biologique et le psychologique ? Ce sont ces quatre problèmes que Ruyer se propose de résoudre en adoptant l'hypothèse d'un domaine trans-spatial, présidant le développement organique.
[...] Les valeurs, et les actes qu'elles commandent, dominent donc à la fois la vie organique et l'ensemble des activités : elles jouent le rôle d'un potentiel, et le développement peut dès lors se définir comme une augmentation de valeur Les êtres psycho- organiques sont modelés et formés, de même qu'ils forment et modèlent à leur tour, selon des valeurs : les organes d'un être vivant se conforment ainsi souvent aux exigences de l'économie, ou de l'esthétique . La forme dérive de ces diverses normativités, elle les manifeste, mais elle ne les crée pas. [...]
[...] La mémoire est transversale, elle n'est pas un enregistrement analysable par des traces matérielles, car la remémoration n'est pas une répétition mécanique. La remémoration est beaucoup plus proche de l'invention : se souvenir de quelque chose, c'est être possédé par ce souvenir qui agit comme un thème, qui m'inspire et me confond avec lui. Quand je cherche un souvenir que je n'ai pas d'avance, mais dont j'ai l'idée, le souvenir est précisément sous une forme thématique. L'analyse de la mémoire débouche ainsi sur une philosophie de la participation, qui montre le passage de formes intemporelles dans le monde temporel de la conscience possédée par les thèmes ; et elle s'étend aux phénomènes biologiques de la reproduction et de la formation des êtres. [...]
[...] Ainsi s'il y a individu lorsqu'un centre d'actualisation est mis en circuit avec un système de thèmes mnémiques (le potentiel de l'espèce), il y a personne quand un centre d'actualisation est mis en circuit avec un système de valeurs, et travaille à le réaliser dans l'espace et le temps. C'est donc au moment où l'être psycho-biologique prend conscience de l'unité du monde des valeurs et se pose comme un je en face de cette totalité du monde, qu'il devient véritablement une personne. [...]
[...] La question qui se pose est donc la suivante : quel est cet inobservable qui préside à la structuration des êtres primaires ? Et le problème est toujours le même : on ne peut jamais constater l'existence de structures données qui contiendraient en acte la structure de l'organisme, et qui se contenterait de fonctionner mécaniquement. La recomposition de l'organisme en éléments coordonnés, aussi précis soient-ils, ne suffit pas à couvrir le champ de sa genèse et de son développement, irréductible aux actions de proche en proche de la matière. [...]
[...] Raymond Ryer, éléments de psycho-biologie __compte-rendu__ Dégager les principes d'une science qui unirait la psychologie à la biologie est une ambition fondamentale de la philosophie de Raymond Ruyer, qui s'appliquera toujours à démontrer que psychisme et vie désignent la même réalité, nourrie par la même source spirituelle. Et si les Éléments de psycho-biologie se réclament d'emblée d'une métaphysique du développement, c'est qu'ils se proposent d'explorer ce mode plus fondamental de la réalité transversale à l'espace et au temps, manifeste dans la formation et l'existence en ligne continue des êtres vivants. [...]
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