A la fin du XVIIIe, un concept totalement nouveau de l'ironie apparaît. L'ironie sort du cercle rhétorique pour s'emparer de la littérature. On a relu les textes et trouvé de l'ironie là où on ne s'y attendait pas.
Il faut peut être déjà s'atteler à définir l'ironie. Qu'est ce que l'ironie ? Pour Serry, la difficulté de trouver une définition de l'ironie vient de ce qu'il y en a trop. Au niveau étymologique, ironie vient du grec eironeia qui veut dire ignorance feinte. Nous touchons alors à la définition classique de l'ironie, celle qu'utilisait Socrate dans l'Athènes antique. Nous allons nous intéresser ici uniquement à l'ironie contemporaine, c'est-à-dire à une forme d'expression qui consiste à dire l'inverse de ce que l'on pense, tout en s'efforçant de laisser entendre la distance qui existe entre ce que l'on dit et ce que l'on pense réellement. Ce qui classe donc l'ironie dans la catégorie des tropes, c'est-à-dire des procédés selon lesquels la signification de mots est modifiée pour être associé à de nouvelles idées. En 1899, Alcanter Bralm inventa un point d'ironie, pour informer le lecteur de la déformation de ce sens. Mais la définition reste vague… on peut alors tenter de l'affiner en soulignant ce que n'est pas l'ironie. Tout d'abord, l'ironie n'est pas que de l'humour. On retrouve déjà cette distinction chez Bergson dans Le Rire qui rappelait que « tantôt on énoncera ce qui devait être en feignant de croire que c'est précisément ce qui est : en cela consiste l'ironie. Tantôt au contraire, on décrira minutieusement et méticuleusement ce qui est, en affectant de croire que c'est bien là ce que les choses devraient être : ainsi procède souvent l'humour ». L'ironie n'est pas non plus la dérision. La dérision implique un accès temporaire à la vérité : on fait de la dérision, parce que nous, on connaît. L'ironie n'est pas non plus le cynisme, car le cynisme a une connotation négative que ne possède pas l'ironie. Dès lors, de quoi l'ironie contemporaine est elle le symptôme ? Il faut noter qu'un symptôme n'est pas un syndrome. Le symptôme est ce que l'on ressent, le syndrome est un ensemble de symptômes, c'est la maladie même. Mais le symptôme n'est pas toujours négatif, et étudier les symptômes, ce n'est pas qu'étudier de quelle maladie l'ironie est l'émanation. Il faut donc aussi entendre symptôme comme révélateur, dans sa neutralité la plus complète sur ce qu'il révèle. Dès lors, l'ironie n'est-elle que le symptôme d'un mépris individuel, égoïste, d'une société moqueuse et distante ou au contraire l'abandon temporaire de la raison, que l'on retrouve dans l'ironie, est-elle le révélateur, non d'un mal, mais d'une société émancipée et décomplexée ? Nous noterons dans un premier temps que l'ironie est le révélateur d'une volonté individuelle de distance, qui peut être perçue comme le symptôme d'un individualisme et un égoïsme exacerbé. Nous verrons alors que même si elle s'éloigne de la raison, l'ironie n'est pas le symptôme de sa mort, mais plutôt le révélateur d'un rapport décomplexé de notre société au discours politique. Enfin, nous analyserons plus globalement que l'ironie est le symptôme d'une société trop rigide qui cherche à s'échapper. Nous aurons donc trois visions : l'individu, le discours et la société.
[...] L'ironie peut donc être perçue comme le symptôme d'une société qui se dépolitise. En effet, avec l'ironie, l'individu ne prononce pas de vérité : il critique. Il n'agit pas dans le monde. Si tout le monde ironise, si tout le monde remet tout en cause, alors plus personne ne participe à la vie de la cité. Hegel rejette d'ailleurs l'ironie pour que l'individu participe à l'Etat. On peut d'ailleurs rapprocher ironie et anarchie, car les 2 se basent sur l'individualisme, le sentiment de supériorité, le besoin de liberté absolue Le regain de l'ironie serait alors le révélateur d'une société dépolitisée, à laquelle les citoyens ne veulent plus participer. [...]
[...] L'ironie serait donc aussi le symptôme d'une société liberticide. De plus, l'ironie est un contre poids utile et essentiel face au dogmatisme moral et social de nos sociétés, face au moralisme et à l'évangélisme de nos religions : c'est un moyen de mettre en doute et de s'échapper un peu. Ce serait alors le symptôme d'une société trop sérieuse, trop coincée, qui a besoin, parfois, d'un peu de légèreté. En effet, toute foi, toute obéissance automatique doivent avoir un contrepoids dans le registre ludique. [...]
[...] Mais alors, quels seraient les symptômes de cette ironie ? - Les symptômes de cette prise de distance. Cette distance au monde, cette attitude vient peut-être du fait que l'ironiste a besoin de se mettre en avant, de compenser un complexe, un doute ou de la volonté de se détacher pour mieux se faire remarquer, ce sera alors le symptôme d'un manque d'assurance que l'individu cherche à dissiper. - La distance dans l'art. Mais il n'existe pas qu'une ironie littérale et rhétorique. [...]
[...] Comment le discours a-t-il alors réagi face à cette montée de l'ironie ? Comment l'insertion de l'ironie dans le discours politique peut-elle nous renseigner sur notre rapport à cette politique ? II) L'ironie comme révélateur d'une société décomplexée avec le discours politique a. L'ironie peut apparaître comme l'arrêt de mort du discours politique et donc comme symptôme d'une société dépolitisée voire en décadence L'ironie comme antithèse du discours politique. L'ironie est l'antithèse du discours politique. En effet, un discours politique cherche à convaincre, argumenter, étayer un exposé par des exemples, l'ironie non. [...]
[...] L'ironie comme révélateur d'un conflit entre soi et soi-même ? On peut également noter un dualisme dans la personne même qui ironise : celui qui ironise est à la fois acteur et spectateur, et d'autant plus quand il ironise sur sa propre vie. Ironie, vraie liberté, c'est toi qui me délivres de l'adoration de moi-même. disait Proudhon. L'ironie sur soi permet donc à l'individu d'être observateur de lui-même tout en restant acteur. L'ironie comme révélateur d'une confrontation entre instinct individualiste et instinct social. [...]
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