Un changement de loi peut affecter de plein fouet les professionnels du domaine auquel cette loi se rapporte. C'est le cas pour les professionnels du secteur social, avec l'arrivée de la loi du 2 janvier 2002-2 ; les directeurs d'établissements sociaux et médico-sociaux, pour adhérer à cette loi, sont tenus de réaménager leur champ d'action et les pratiques qui y sont liées. Par conséquence, les travailleurs sociaux vont devoir s'adapter à ces nouveaux usages. Pour Grimaud (2007), « Le travail social ne peut se structurer différemment de la société dans laquelle il opère » (Grimaud, 2007, p30). Les acteurs sociaux auront alors à s'accommoder d'un travail, s'inscrivant dans un monde social en plein changement ; selon Lebrun (2007), nous passons d'une société consistante et incomplète à une société complète et inconsistante. En effet, là où jadis, la société consistante l'était avec l'incomplétude inhérente à l'attribution de places d'exception, rappelant la béance sous-tendant le langage, notre société est désormais complète mais inconsistante ; si une place prévaut sur une autre, elle sera plutôt d'emblée suspectée d'abus. Comment faire alors, pour faire entendre la fonction d'un travailleur social, si la mouvance du discours social ambiant penche vers sa récusation ? Comment perpétuer la Loi non-écrite d'Antigone si Créon et ses textes grèvent l'esprit de la Loi ?
J'ai été frappée lors de mon arrivée sur mon lieu de stage, par le contexte de revendication environnant que l'institution laissait à paraître. Cela m'a amenée à me questionner sur la nature de ces interpellations et sur ce qui en était la cause. En interrogeant l'exercice professionnel de la relation d'aide à travers la loi de 2002, comme révélateur d'une mutation du lien social, j'ai souhaité étudier la relation subjective qu'entretenaient ces professionnels dans leur engagement avec des usagers, des collaborateurs et des prescripteurs. Mon hypothèse de travail sera donc que la loi de 2002-2, en ce qu'elle est emblématique de notre société « complète et inconsistante », va engendrer des changements dans les pratiques des travailleurs sociaux, et plus précisément des éducateurs de terrain ; une plus grande difficulté à oeuvrer avec les prérogatives de la loi et une modification de leur légitimité statutaire vis-à-vis des usagers et vis-à-vis de l'institution. En considérant l'établissement comme « un organisme malade qu'il convient de constamment soigner », comme le préconisait Hermann Simon, nous devons entendre cette étude dans une perspective clinique, s'inscrivant dans le champ social (...)
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