Article portant sur une approche psychologique du voyage et de l'expatriation, le tout dans sa dimension inconsciente. L'analyse étymologique de certains signifiants montre combien le voyage se fait métaphore de la dimension psychique, comme si finalement monde interne et monde externe se renvoyaient l'un à l'autre. Peuvent ainsi s'aborder dès lors les motivations inconscientes qui poussent au voyage et à l'expatriation.
[...] Dedans - dehors, des frères jumeaux? Après cette rapide approche psychologique du voyage, reste une question : d'où vient cette surprenante proximité entre l'espace psychique (le Dedans) et l'espace du voyage (le Dehors). Pourquoi autant de similitude ? Cela s'explique dans l'avènement même du psychisme chez le nourrisson. Incapable de se distinguer de sa mère et de son environnement, le nouveau- né se croit tout-puissant. Il est dans l'illusion d'obtenir ce dont il a besoin de manière magique. Il se prend pour Dieu. [...]
[...] Le voyage présente donc une proximité étroite avec le psychisme et ses phénomènes. Allons plus loin. Le voyage, c'est une histoire de famille. "Ex-patrié" signifie littéralement hors du père sous-entendu de son autorité. Le voyage est avant tout un acte de séparation. Les mots partir et séparation ont d'ailleurs la même racine étymologique. Partir, c'est quitter la Mère-Patrie, dans l'idée parfois de se faire adopté par un autre pays. C'est entre autres dans cette optique de séparation avec le milieu familial que le Grand Tour a été institué au 18ème siècle. [...]
[...] Introduction à une psychologie du voyage et de l'expatriation Qu'est-ce qui pousse l'homme à voyager ? Certes, ce peut-être le besoin qui le pousse à quitter un espace pour un autre : un besoin vital (survivre à une guerre), un besoin alimentaire (famine) ou économique (pauvreté, voire richesse avec l'ISF Ce départ est alors une contrainte plus qu'un libre choix. On parle alors de migration, d'exil. Qu'en est-il de ces hommes qui choisissent, désirent partir, non plus animé par la nécessité (survivre) mais par un désir venu souvent d'on-ne- sait-où, qui pousse au voyage ? [...]
[...] Le programme Erasmus est la forme moderne de ce Grand Tour. Il a valeur de rite de passage : se retrouver entre pairs loin des parents et de l'autorité paternelle (s'expatrier), comme certaines cultures traditionnelles le pratiquaient : les jeunes sortaient du village le temps de leur initiation entre pairs. Quand la séparation est difficile voire impossible, elle se fait sur le mode de la rupture : la fugue, l'errance, la zone on parle, pour ces personnes en marge voire en rupture avec la société, de routards de la Route dont le mot rupture est issu. [...]
[...] Dedans et Dehors sont donc en quelque sorte des frères jumeaux, puisque la conscience de soi nait de la conscience de l'autre et donc d'un ailleurs. De ce fait, l'espace parcouru par le voyageur renvoie métaphoriquement au premier espace que l'enfant a parcouru, c'est-à-dire le corps maternel. Le voyage permet de revivre cette expérience première, la découverte de soi et de l'autre. Les voyageurs sont les premiers à l'évoquer quand ils disent chercher dans le voyage un regard neuf sur le monde, tel celui du nourrisson qu'ils ont été mais oublié. [...]
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