Quand arrive le mois de juin des années paires, au moment de la Coupe du monde de football ou du Championnat d'Europe des nations, dès que l'équipe nationale de son pays entre en compétition, des réflexes nationalistes individuels et collectifs resurgissent : on assiste à une véritable mobilisation des sentiments nationaux. Aujourd'hui, se sent-on Français par le fait de se reconnaître dans les lois de la république ou par le fait d'aimer, comme des millions d'autres personnes, le même joueur de football ou la même équipe ?
[...] On comprend donc pourquoi les gens se reconnaissent dans ce sport et qu'il existe un tel engouement populaire. En ce qui concerne les caractéristiques propres du jeu lui-même, le football a souvent été qualifié de simulacre de guerre, que ce soit dans l'intention de le dénoncer comme spectacle fascinant ou, au contraire, pour le glorifier comme soupape bénéfique et indispensable. Ce qui est sûr, c'est qu'à l'instar d'autres jeux collectifs, il ne peut se concevoir qu'en opposition binaire. Comme tout sport d'équipe, il invite le spectateur, notamment quand ce dernier se sait accompagné de millions d'autres qui vibrent comme lui, à projeter des représentations collectives sur les équipes présentes, à les charger de symbolisations souvent excessives. [...]
[...] En effet, traditionnellement, la nationalisation des masses par le haut qui a été conduite avec ô combien de succès durant la deuxième moitié du XIX ème siècle et presque toute la première moitié du XX ème s'appuyait prioritairement sur trois grandes institutions chargées de cimenter le sentiment national dans les populations. Ce sont d'abord les systèmes d'éducation. L'école a toujours été le pilier central dans le dispositif d'apprentissage du national. Elle avait pour mission autant la transmission des connaissances que l'inculcation d'un sentiment d'appartenance à la nation. [...]
[...] Les équipes nationales sont encore les ultimes remparts d'un football, où l'argent n'est pas roi. Les petites nations ont toujours une chance, le jeu est ouvert, le talent n'est pas dépendant de l'argent. Les surprises, même si elles peuvent être désagréables restent le sel des compétitions. Les fédérations pour qui les sélections sont souvent la seule source significative de revenus, ont désormais tout intérêt à positionner l'équipe nationale comme pure, authentique et désintéressée, c'est-à-dire en dehors du processus de commercialisation et non soumis au règne du tout- argent. [...]
[...] Quels sont les besoins et les désirs qui s'expriment dans ces manifestations massives d'affirmation identitaire? Nous essayerons tout au long de ce devoir de mieux comprendre les multiples facettes de l'impact du football sur nos sentiments nationaux grâce à la psychologie sociale. * * * Plusieurs éléments d'explications concourent à "l'effet nationalisant" du football. Dans un premier temps, réfléchissons sur les instances de socialisation. Tout d'abord le football a valeur de sport national en ce sens qu'il joue et met en représentation certains principes fondamentaux de la culture nationale. [...]
[...] Finalement, ce sont les médias au sens le plus large qui ont contribué à créer un espace identitaire national. Mais par média, on peut entendre également les cérémonies nationales des fêtes publiques, commémorations et autres traditions inventées. Force est de constater qu'aujourd'hui écoles et armées sont perçues comme affaiblis, banalisés. Partout en Europe occidentale, le système éducatif est considéré, à tort ou à raison, comme étant en crise quant à sa capacité à transmettre des valeurs communes. Quant à l'armée de conscription, elle est destinée, si ce n'est déjà fait, à être transformée en une armée professionnelle qui n'aura pas plus un rôle de formateur du corps national que n'importe quelle autre grande entreprise ou organisation. [...]
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