Dans le panel des émotions humaines, la théorie ne suffit pas toujours à nous faire percevoir la complexité de l'Etre. La différence fait parfois peur parce qu'elle nous échappe, et le rejet de l'autre comme conséquence est encore trop souvent d'actualité. Tenter de comprendre la personne psychotique, c'est remettre en cause nos certitudes et accepter de ne pas savoir. Parce que c'est elle qui nous amène vers une autre réalité, c'est aussi elle qui nous enseigne et nous fait évoluer.
Au début du XIXe siècle, l'humanisation du traitement des malades mentaux voit enfin le jour, grâce à l'intervention de Philippe Pinel, qui abolira les chaînes qui les liaient jusqu'alors. Depuis, la découverte de la psychanalyse, de S. Freud à J. Lacan, nous amène aujourd'hui à envisager la folie comme partie intégrante du destin de l'être parlant.
Un des enjeux actuels de la psychiatrie est de « soigner » la personne psychotique. Pour cela, la « guérison » ne doit pas être entendue comme la suppression du délire, mais comme un accompagnement clinique de celui qui souffre. La réalité psychique entendue à travers le discours du patient ne doit pas être comparée à d'autres pour figurer sur des classifications, mais plutôt être écoutée dans sa singularité, dans une « unique normalité ».
La psychothérapie institutionnelle, qui se fonde sur cette approche, permet de mieux appréhender ce que peut être le soin dans la psychose. Au-delà des avancées médicales souvent nécessaires, le patient peut aussi être écouté dans son discours délirant, soutenu à travers ses difficultés, et parfois même accompagné jusqu'à ce qu'il retrouve une certaine autonomie.
A travers cet exposé qui s'appuiera sur mon expérience dans un service de psychiatrie adulte, en référence à la psychothérapie institutionnelle, c'est un regard personnel que j'essaierai de retranscrire ici. De la découverte de l'institution à l'écoute de la psychose, je tenterai de mettre en avant l'importance de la subjectivité et de la parole dans cette pathologie, qui reste aujourd'hui encore méconnue.
[...] Nous avons discuté une fois dans la salle commune, et j'ai été étonnée par son comportement : après m'avoir demandé si je m'épilais moi-même les sourcils elle s'est absentée une quinzaine de minutes et m'a dit en revenant vers moi : Vous avez vu mes sourcils ça me va bien ? Nous ne nous sommes pas revues jusqu'à sa sortie, quelques jours plus tard. C'est à partir de là que je me suis positionnée différemment. Je pensais que si elle ne venait pas vers moi, c'est qu'elle n'en avait peut-être pas le désir. Pas, ou plus. [...]
[...] Par ses interventions, il va favoriser l'émergence du sens clinique dans les prises en charge et les actions de soin. Une réunion communautaire (hebdomadaire) a été mise en place. Elle a pour objectif (dans le meilleur des cas) de favoriser la parole de chacun, concernant le fonctionnement (les points positifs et les inconvénients selon chacun) de l'institution entre les soignants et les soignés. D'une manière plus générale, le psychologue, par sa présence et son écoute tente de mettre du lien dans l'institution, là où parfois le manque peut s'inscrire. [...]
[...] J.C Maleval[22] propose de distinguer l'attitude mystique du délire mystique. Respectivement, il parle d'un appel à Dieu et d'un appel de Dieu. En ce qui concerne monsieur S., on peut facilement repérer à travers son discours un délire mystique : il est guidé par Dieu puisque c'est ce dernier qui décide il y a quelqu'un qui me guide qui lui a donné une mission. Il y a là une certitude délirante, où il se sent lié à Dieu dans ses actes, allant jusqu'à combattre Satan. [...]
[...] Bibliographie APOLLON, W.- Psychanalyse et traitement des psychotiques, Santé mentale au Québec XIII DAUMEZON G. et KOECHLIN P.- La psychothérapie institutionnelle française, in Anais Portugueses de Psiquiatria DELION P.- Soigner la personne psychotique, Dunod, Paris FREUD S.- De la psychothérapie FREUD S.- Minutes de la Société psychanalytique de Vienne GORI R.- La santé totalitaire, Denoël p.44 LACAN J.- Ecrits II, D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose, Paris, Seuil LACAN J.- De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Paris, Seuil (1932). [...]
[...] III Je suis schizophrène Madame L. avait un discours que je trouvais souvent construit socialement, au sens où les idées délirantes ne s'entendaient pas immédiatement. Son envie de vivre comme tout le monde ses projets professionnels, ses questionnements et ses raisonnements étaient tout à fait logiques. Pourtant, à certains moments, son discours laissait place à quelque chose qui ne faisait plus sens. Quelque chose d'insurmontable, d'irréalisable s'entendait, comme s'il existait un écart entre ce qu'elle était et ce qu'elle souhaitait être. [...]
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