En physique, la résilience est l'aptitude d'un corps à résister aux pressions et reprendre sa structure initiale. Pour Cyrulnik, il s'agit donc de la capacité à vivre, à réussir et à se développer en dépit de l'adversité. Il n'y aurait pas de profil particulier en fonction des différentes cultures et des modes de vie, de l'enfant résilient. Mais il existerait un profil d'enfants traumatisés qui auraient l'aptitude à la résilience. Ceux qui auraient acquis une confiance primitive durant la toute petite enfance : « on m'a aimé donc je suis prêt à rencontrer quelqu'un qui m'aidera à reprendre mon développement ». Le développement de la personnalité de l'enfant est étroitement lié aux relations parents-enfants. La question concernera la capacité de ces enfants à s'engager dans des relations affectives. Ces enfants « carencés » sont dans le chagrin mais continuent de s'orienter vers les autres, de chercher l'adulte qu'ils transforment en parent. Ils peuvent alors élire une famille sans être issu du même sang. Ainsi que l'a écrit Emile Durkheim : « La famille ne doit pas ses vertus à l'unité de descendance : c'est tout simplement un groupe d'individus qui se trouvent avoir été rapprochés les uns des autres, au sein de la société politique, par une communauté plus particulièrement étroite d'idées, de sentiments et d'intérêts ». A ce sujet, il écrit auparavant : « […], dans une multitude de sociétés, les non-consanguins se trouvent en nombre au sein de la famille : la parenté dite artificielle se contracte alors avec une très grande facilité, et elle a tous les effets de la parenté naturelle ». Nous admettrons ici que c'est au sein de cette famille, au sens de « groupe d'individus » que l'enfant fait l'apprentissage de la vie et s'identifie. Et il n'est pas sans danger d'être privé, enfant, de la plénitude d'une relation qui réponde aux besoins primitifs de dépendance. Ces besoins primitifs sont à rapprocher de la confiance primitive énoncée précédemment. Lorsque qu'il y a adéquation entre les besoins et les réponses pour le bébé, alors que la confiance peut commencer à s'installer. C'est pourquoi, la famille de substitution doit être en mesure de donner à l'enfant différents soins pour répondre à ses besoins alimentaires et à certaines exigences de propreté et d'hygiène, et lui apporter confort et bien-être. L'enfant doit profiter de ce confort et de ce bien-être et savoir le montrer ou le rendre grâce aux atouts. L'enfant possède en effet des atouts sur le plan de l'adaptation. Il reconnaît l'adulte qui s'occupe de lui et construit avec lui une relation affective, réelle et significative. C'est ainsi que les enfants résilients se mettent dans la démarche de recherche de parenté, de recherche d'apparentement qui leur permettra de se procurer un ancêtre, d'entrer dans un nom ou dans une maison ou une génération. Ensuite, ils se forgent une « identité » : « je suis celui qui a été violé, déporté… ».
Cyrulnik semble faire une différence entre les enfants qui auraient eu une enfance « sécure » (ceux-ci pourraient être rattrapés ; ils pourront être adoptés ou choisis, ou pourront adopter ou admettre un adulte car en capacité d'instaurer des liens et de s'engager dans une relation et devenir résilients) et ceux qui n'auraient pas bénéficié de cette sécurité. La pédiatre, Mia Kellmer Pringle définit l'enfance sécure comme un ensemble d'interactions saines et satisfaisantes entre la mère et l'enfant. La satisfaction des besoins de base et l'adéquation des réponses de la mère entraînent sécurité et continuité. Cette idée est reprise par Pierre Delion , pédopsychiatre, pour qui la fonction d'attention parentale est vitale pour le développement psychique, cohérent et harmonieux du bébé. Il insiste au-delà de l'aspect physiologique sur l'importance de porter attention vis-à-vis des messages qu'adressent les bébés. Depuis les travaux de Spitz sur les nouveaux-nés élevés en pouponnières et en hôpitaux, nous savons que les apports affectifs sont aussi nécessaires à la survie et au développement de l'enfant que la nourriture et les soins d'hygiène. Un bébé peut mourir d'indifférence ou en garder des troubles irréversibles du développement psychomoteur. Ce que Spitz a appelé hospitalisme (ensemble de perturbations somatiques et psychiques graves consécutives à une carence affective totale et de longue durée ).
[...] C'est dans cette famille que l'enfant s'identifie. La forme des liens familiaux le préparera à sa vie future) ou au sein d'un groupe d'individus acceptables, avec des parents ou des individus normalement affectueux, a toujours connu des personnes auprès desquelles il peut rechercher aide, réconfort et protection et a toujours su où les trouver. Son attente s'est vue fréquemment comblée et c'est pourquoi il a du mal à imaginer un monde différent. Ceci lui procure la certitude que, quelle que soit la difficulté dans laquelle il pourrait se trouver, il trouvera toujours des personnes dignes de confiance pour lui apporter de l'aide. [...]
[...] Elle s'aperçut à la mort de son père, lorsqu'elle croyait avoir 18 ans qu'elle en avait en réalité 23 : son père lui avait donné l'identité d'une jeune sœur décédée. Vers 12 ans, elle quitta sa famille et l'école, s'adonna à la drogue et à la délinquance. Elle devint à 16 ans ou à 21, enceinte d'un toxicomane qui mourut avant la naissance de l'enfant ; elle put s'occuper de son petit garçon mais celui-ci dut connaître des placements lors des incarcérations de sa mère. [...]
[...] Confiance et résilience J. Bowlby fait des propositions au sujet du fonctionnement et du développement de la personnalité des individus. Par rapport à la résilience, la proposition suivante peut nous éclairer. Cette proposition postule que la confiance ou l'absence de confiance en l'accessibilité à des figures d'attachement et aux réponses que celles-ci fournissent, se constitue lentement au cours des années d'enfance. Et que, une fois qu'elle est développée, les prévisions risquent de persister quasiment sans changement pendant le reste de la vie. [...]
[...] Plutôt qu'une théorie, la résilience est un constat. C'est ainsi qu'il m'arrive de rencontrer des adultes dont j'étais référent lorsqu'ils étaient adolescents et que j'exerçais en foyer éducatif. Certains sont à présent intégrés socialement alors qu'ils étaient engagés dans des comportements délinquants ; inversement, des jeunes moins problématiques au même moment, n'ont jamais rebondi. Il me semble intéressant de citer à nouveau Michel Demay qui nous dit que la résilience nous contraint à davantage d'humilité devant les théories Il ajoute : l'homme se construit dans une telle alchimie de variables personnelles et environnementales qu'il échappe à tout règle absolue La résilience nous apprend également à lutter contre les dogmatismes professionnels, nourris de quelques adages simplificateurs tels que père manquant fils manqué L'enfant abusé, abusera L'enfant maltraité, maltraitera Cela ne veut pas dire que de telles situations n'existent pas, mais leur généralisation crée un déterminisme autant chez les professionnels que pour les victimes de tels drames. [...]
[...] Toute forme d'enfermement des jeunes leur donne peu de chance d'accéder à une forme de résilience. Boris Cyrulnik suppose plusieurs conditions d'accès à la résilience : - On ne devient pas résilient, seul ; - Il faut comprendre et agir pour enclencher le processus ; - Il faut rencontrer un ou des tuteurs ; - Il faut créer des lieux où le traumatisme peut se dire, où peuvent se reproduire les représentations de celui-ci. Ces conditions nécessitent donc une démarche de l'enfant. [...]
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