« Je n'étais pas moi-même » ou « sois plus toi-même » sont des expressions qui font partie de notre quotidien et qui, pourtant, sont de nature paradoxale : qui sommes-nous si nous ne sommes plus nous-mêmes ? Peut-on ne pas être soi-même ? Dans le langage courant, nous associons le « soi-même » à notre personnalité ou à une certaine morale personnelle. En effet, dans le premier cas lorsque je dis que je n'étais pas moi-même, c'est que j'ai réalisé des actions qui ne correspondent pas à mes codes de conduite, à mes valeurs. Dans le second cas, lorsque je ne suis pas moi-même, c'est que j'oublie ma personnalité pour rentrer dans le « moule » de la société ou d'un groupe. L'expression « ne pas être soi-même » trouve donc ici une certaine légitimité.
[...] Et ce que nous pensons être nous, l'est-il vraiment ? Nous allons d'abord montrer que nous n'avons pas toujours l'impression d'être nous-mêmes d'après deux définitions possibles du soi en rapport avec notre conscience. En premier lieu, le soi peut apparaître comme un ensemble composé de notre propre rationalité et de notre propre morale. Chaque homme agit dans son intérêt personnel, sa rationalité lui permet de faire des calculs, d'anticiper pour réagir au mieux face à une situation donnée. De même, il possède sa propre morale : lorsque, pour l'un, le respect des anciens sera une nécessité, pour l'autre, il sera considéré comme d'une autre époque et donc étranger à ses codes de conduite. [...]
[...] Cette expression n'a donc pas lieu d'exister puisqu'elle n'est pas porteuse de sens. Toutefois, on peut aisément admettre que le moi n'est pas une entité invariable qui déterminerait l'Homme, mais au contraire une chose en mouvement qui évoluerait et se construirait tout au long de la vie de l'Homme. Dans ce cas, être soi-même correspondrait à se construire librement, c'est-à-dire pouvoir choisir, décider de ses actions. Or la thèse spinoziste de la liberté humaine nous prouve que même si l'Homme à l'impression d'être libre de pouvoir se déterminer lui-même, d'être véritablement lui-même, ce n'est qu'une apparence. [...]
[...] Dans ce cas, il est impossible de ne pas être soi-même. Nous avons donc réglé la question d'être ou ne pas être soi-même. Cependant, le problème posé met en jeu une autre notion sou jacente, la liberté de l'Homme. En effet, dans un premier cas, l'Homme n'est pas libre de choisir son moi car celui-ci est préexistant à l'Homme comme nous le montre la théorie essentialiste. Dans un deuxième cas, Spinoza affirme que toutes les actions de l'Homme ne sont pas des actes libres, mais des actes déterminés par un enchaînement de causes et d'effets. [...]
[...] Être ou ne pas être soi-même, telle est la question. Pour y répondre, il nous a fallu déterminer ce que nous n'entendions pas être soi-même Le sens commun signifierait plutôt avoir une certaine liberté d'action à l'intérieur d'un champ limité par les impératifs moraux et rationnels. Mais cette définition semble largement restrictive de même que celle qui affirmerait qu'être soi-même c'est avoir conscience de soi. Ces définitions restreignent la portée de notre moi Dans ces deux situations, il est aisé de ne pas être soi-même. [...]
[...] Toutefois, si nous ne sommes pas nous-mêmes, qui sommes-nous ? Est-il possible de concevoir que nous pouvons choisir d'être quelqu'un d'autre ? Même si nos gestes peuvent parfois échapper à notre conscience, les choses qui les déterminent ne sont pas extérieures, mais bien intérieures à nous- mêmes. Dès lors, le moi pourrait bien apparaître comme quelque chose d'immuable, que l'on ne pourrait quitter. Nous allons reprendre Freud pour montrer que malgré le fait que nous ne pouvons être toujours conscients de ce que nous faisons, nous sommes bien toujours nous-mêmes. [...]
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