Le paradigme de la préférence de lieu (ou locative) conditionnée repose sur le constat que lorsqu'un organisme expérimente les effets renforçant d'un stimulus quelconque en la présence d'un ensemble ou pattern d'autres stimuli (neutres par ailleurs) afférant sensoriellement et constituant un environnement perçu distinctement, cet organisme peut apprendre une association entre le stimulus aux effets renforçant et le pattern constitutif de l'environnement immédiatement perçu par l'organisme. Cette association se marque par une préférence ultérieure, en l'absence des effets renforçateurs antérieurement délivrés, pour l'environnement dans lequel ces effets se sont auparavant manifestés. Dans le cas de récompense naturelle (i.e. nourriture, copulation), on a pu montrer qu'une interprétation de cette préférence en terme de comportement appétitif (au sens éthologique du terme) envers les effets renforçant ou plus précisément envers l'environnement supposément capable de les délivrer reste acceptable (Spiteri, Le Pape et Agmo, 2000). Mais dans le cas des substances psychotropes, même si cette interprétation est majoritairement acceptée, elle nécessite encore d'être quelque peu nuancée (Bozarth, 1987a). Le nombre de répétitions de l'association nécessaire à l'établissement d'une préférence locative dépend essentiellement de la nature des effets renforçateurs, de leur amplitude, de la durée de l'exposition à l'environnement et de l'espèce animale considérée. Le statut de cette association est strictement pavlovien dans la mesure où l'environnement constitue un stimulus global initialement neutre pour l'organisme avant d'acquérir ce statut de stimulus conditionné suite à son apparition spatialement liée au stimulus inconditionnel que sont les effets renforçateurs, et surtout du fait qu'il n'y a aucune participation opérante de l'animal dans la création de l'association. C'est également la nature pavlovienne du paradigme qui est responsable d'une nette tendance dans la littérature à employer le terme récompense (reward) à la place de celui de renforcement (reinforcement), ce dernier étant généralement consacré par la terminologie skinnérienne (Schechter et Calcagnetti, 1998).
Le principe est valable a contrario pour tout stimulus provoquant des effets aversifs chez l'organisme, mais on parlera dans ce cas d'aversion de lieu conditionnée. Globalement donc, on parle parfois du paradigme de conditionnement locatif.
Ce paradigme, bien qu'utilisable à dessein autre (notamment pour identifier les préférences écologiques naturelles d'une espèce donnée; voir par exemple Serra, Medalha et Mattioli, 1999), est exploité en psychopharmacologie expérimentale pour identifier la valence des effets psychoaffectifs (au sens phénoménologique du terme) d'un psychotrope : une préférence locative conditionnée (CPP, en reprenant l'abréviation anglaise) permettra d'inférer que l'usage du psychotrope provoque des effets renforçateurs (que l'on qualifiera généralement comme étant hédoniques) chez l'organisme considéré, alors qu'une aversion de lieu conditionnée (CPA, idem) sera interprétée comme une objectivation des effets aversifs (ou déplaisant) du psychotrope. Il faudra toutefois se garder de conclure que l'absence d'une CPP ou CPA pour une substance donnée signe ipso facto de l'absence en ses propriétés d'effets psychoaffectifs: sur le plan strictement logique, on pourra uniquement en inférer que la substance en question engendre des effets neutres par rapport à ce que permet d'objectiver le paradigme; on verra aussi dans une prochaine section que, pour un agent pharmacologique donné, l'établissement et l'amplitude d'une CPP ou d'une CPA sont étroitement liés aux conditions expérimentales dans lesquelles on l'utilise (dosage, nombre d'associations drogue-environnement lors de la phase de conditionnement, durée de l'exposition, etc.), mais aussi à ses propriétés psychopharmacologiques intrinsèques.
Le paradigme a essentiellement été appliqué avec de souris et des rats, et exceptionnellement avec des hamsters ou des primates (Schechter et Calcagnetti, 1998). Toute substance aux propriétés pharmacologiques supposées ou avérées peut être étudiée au travers de ce paradigme quant à ses effets éventuellement hédoniques ou aversifs.
[...] D'une augmentation de la dose administrée peut également résulter une augmentation de la préférence locative : une courbe dose-effet est facilement mise en évidence, comme cela a déjà été relevé dans la section précédente. Il arrive toutefois qu'une augmentation de la dose entraîne la disparition d'une CPP pour l'établissement d'une CPA. Il est peut-être aussi important de noter que la dose est dans chaque expérience systématiquement manipulée, ce qui se comprend aisément Les résultats peuvent également dépendre de l'espèce animale employée. [...]
[...] En effet, si ce score est instable, il sera impossible de certifier que les résultats relevés lors de la phase de test sont effectivement révélateurs d'effets hédoniques, neutres ou aversifs de la substance étudiée. Or il est bien entendu possible de vérifier cette stabilité avant le début de chaque expérimentation. Variables dont peuvent dépendre les résultats Afin de clôturer ce petit travail introductif, il est bon de relever certaines variables importantes à prendre en compte lorsqu'on s'intéresse au travers de ce paradigme aux effets hédoniques des psychotropes. [...]
[...] DBA/2J mice develop stronger Lithium chloride-induced conditioned taste and place aversions than C57BL/6J mice. Pharmacology, Biochemistry and Behavior, Vol pp. 17- Schechter, M.D. and Calcagnetti D.D. Continued trends in the conditioned place preference literature from 1992 to 1996, inclusive with a cross-indexed bibliography. Neurosci. Biobehav. [...]
[...] Tout comme le temps (identique) de placement de l'animal dans les deux compartiments peut varier selon les études, cette double opération est répétée de manière variable et avec un intervalle de temps intersessionnel également variable, la deuxième de ces variabilités étant déterminée d'une part par l'expérience des chercheurs et les substances administrées (plus précisément, par les connaissances dont on dispose à propos des effets de chaque substance eu égard au paradigme) et d'autre part selon l'espèce animale utilisée. La troisième de ces variabilités semble n'être déterminée que par des aspects consensuels et dissensuels entre les différents chercheurs. [...]
[...] On peut répertorier ces intérêts en trois grandes classes, qui vont être présentées successivement : intérêts pour la recherche appliquée, intérêts pour la recherche fondamentale, et intérêts par rapport aux autres méthodes exploitées par la psychopharmacologie expérimentale. Intérêts pour la recherche appliquée Identifier parmi les molécules existantes et celles mises au point à dessein pharmacologique celles à abus ou dépendance potentiels, les effets hédoniques pouvant être responsables chez l'homme de ces deux phénomènes nosologiquement distincts (dans le D.S.M . IV) indépendamment d'éventuelles propriétés d'assuétude de ces molécules Identifier d'éventuels antagonistes d'un psychotrope dont l'homme est susceptible d'abuser, de tels antagonistes pouvant être ensuite commercialisés à des fins thérapeutiques. [...]
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