Le 18 septembre 2006, à l'occasion des 25 ans de l'abolition de la peine de mort, Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, a donné une conférence intitulée « Vers l'abolition universelle de la peine de mort ». Il a commencé par raconter brièvement son combat pour l'abolition en France.
C'est en acceptant, en tant qu'avocat, la défense de Roger Bontems que Badinter se lance dans le combat contre la peine de mort. Pour sauver Bontems de la peine capitale, Badinter construit une ligne de défense centré sur le principe suivant : « On ne condamne pas à mort quelqu'un qui n'a pas tué de ses mains ». Durant le procès, à chacune de ses interventions, il va donc s'attacher à prouver que Roger Bontems n'a été que le complice de Buffet, qu'il n'a pas de sang sur les mains. Sur ce plan, il obtient une victoire. A la question, « Bontems a-t-il tué ? », le jury répond par la négative. Mais malgré ce premier verdict, et à la surprise de son avocat, Bontems est condamné à être décapité dans la cours de la prison de la Santé. C'est un échec pour la logique, les principes de rationalité n'ont pas suffit pour convaincre.
En 1976, Badinter se lance dans un nouveau procès, celui de Patrick Henry, assassin du petit Philippe Bertrand. Sur le plan théorique, par rapport au cas Bontems, tout destine Henry à l'échafaud. Mais Badinter va utiliser une nouvelle méthode pour convaincre : il décide de faire appel aux émotions. Lorsqu'il s'adresse au jury, il leur montre qu'en condamnant à mort, ils s'exposent au risque d'être traités d'assassins par leur propres enfants ou petits enfants. L'objectif est de toucher en leur for intérieur chacun des membres du jury, de faire appel à leur émotions et à leurs états d'âme. C'est un succès : Henry est condamné à la réclusion à perpétuité. Pour Badinter c'est une grande avancé dans son combat contre la peine capitale.
Robert Badinter a laissé libre cours à ses émotions dans le but de convaincre les autres de se rallier à son combat. L'irrationnel a été plus efficace que les principes de raison.
C'est cet épisode qui nous a donné envie d'approfondir le thème de l'utilisation de l'émotion dans la prise de décision. En l'occurrence, l'émotion a le statut d'outil pour convaincre. Est-ce condamnable de jouer sur le terrain de l'affectif pour persuader ? Est-ce au contraire justifié ?
Mais plus largement, quelle place à l'émotion dans la prise de décision, doit-elle être prise en compte pour adapter au mieux la décision ?
Ces interrogations sont toujours d'actualité dans le débat politique où l'on rencontre de plus en plus d'opinions personnelles fondées sur l'émotion au détriment d'une véritable analyse. Doit-on se laisser guider par ses émotions pour décider ? Est il justifié d'utiliser ses émotions dans la prise de décision ou dans le but de convaincre ?
Dans quelle mesure l'émotion revêt-elle une utilité et une valeur dans le processus de persuasion et de prise de décision ?
La question est donc double : l'émotion pour convaincre, mais aussi le rôle de ses propres émotions lorsque l'on doit prendre une décision. Nous avons décidé de traiter les deux facettes car elles sont fondamentalement liées : s'il est important de prendre en compte ses émotions pour prendre une décision, il n'est alors pas nécessairement condamnable de se placer sur le terrain de l'émotion pour convaincre.
[...] Effectivement l'émotion ne peut pas être employée à tout moment avec le même public. En outre, cette condamnation s'applique aussi lors de la prise de décision, et non pas seulement dans le processus de persuasion. Platon s'intéresse essentiellement à la prise de décisions dans le champ politique, à travers la figure du tyran. Le tyran est celui qui est au pouvoir mais qui se laisse dominer par ses passions et ses émotions lorsqu'il doit prendre ses décisions. Il se détourne de l'ordre du monde, du cosmos. [...]
[...] Platon associe de façon irrémédiable les émotions (la partie non rationnelle du discours) à la manipulation soit d'un interlocuteur (une assemblée, un législateur à convaincre ) soit de sa propre nature (dans le cas où nous devons personnellement prendre une décision). 12 hommes en colère : une émotion qui nuit au bon jugement Ce film analyse la délibération d'un jury qui doit décider de la culpabilité d'un garçon accusé d'avoir assassiné son père. Un seul juré n'est pas convaincu de sa culpabilité et il va s'efforcer de trouver la vérité. [...]
[...] La position platonicienne : La diabolisation de l'émotion dans le discours et dans la prise de décision. 12 hommes en colère : une émotion qui nuit au bon jugement. L'utilisation de l'émotion peut cependant s'avérer utile, voire nécessaire La position aristotélicienne reprise par Cicéron reconnaît une plus grande place à l'émotion, sans porter de jugement de valeur. Synthèse sur les données scientifiques concernant le rapport entre émotion et décision. Comment ces théories se concrétisent elles dans le monde du management ? [...]
[...] Bien au contraire, elle est valorisée à condition d'être encadrée par un savoir avéré et un certain nombre de valeurs morales. II°Synthèse sur les données scientifiques concernant le rapport entre émotion et décision Les travaux les plus poussés sur le sujet ont été réalisés par Antonio Damasio, directeur du département de neurologie de l'université de l'Iowa. Celui-ci a publié un ouvrage qui résume ses recherches et sa thèse2, rapportées et commentées par Yvan Leray3. Le but de sa réflexion est le suivant : Il cherche à montrer que les émotions peuvent influencer la décision du sujet et plus encore que le processus de décision lui-même est un mélange d'intuitif et de raisonné. [...]
[...] Tout d'abord elle insiste sur la diversité des opinions des managers sur le sujet même si il est impossible de faire sans l'émotion selon elle. Des études ont été menées sur ce thème ; Ahmed Dammak (doctorant à l'université de Paris Dauphine) s'est par exemple intéressé aux différences d'utilisation de l'émotion et de l'intuition dans le processus décisionnel entre quelques pays1. Les styles décisionnels des dirigeants ont été évalués à l'aide du cognitif style index (CSI) élaboré par Allinson et Hayes en 1996. Ce test a prouvé sa fiabilité après de nombreux contrôles. [...]
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