Lorsque quelqu'un cherche une excuse à sa conduite, c'est parce que ses actes paraissent répréhensibles. Il s'agit dans la plupart des cas de persuader qu'on ne l'a pas fait exprès, c'est-à-dire que la volonté propre n'est pas rentrée en jeu. Dans ce contexte, prétendre avoir agi inconsciemment semble faire allusion à ce qui peut, en effet, soit s'effectuer indépendamment de la volonté, soit contrarier carrément cette dernière. Avant d'examiner si de telles références à l'activité d'un inconscient peuvent servir d'excuses au comportement, il convient de préciser en quoi l'acte intégralement conscient ou volontaire implique la responsabilité du sujet.
Lorsqu'un enfant a fait une bêtise, il affirme volontiers, pour s'en excuser, qu'il ne l'a pas fait exprès. Cela signifie, en réalité, non que sa conduite était indépendante de sa volonté, mais qu'il n'avait pas prévu les conséquences éventuelles de sa conduite.
[...] Dans de tels cas, l'inconscience de l'enfant équivaut à la simple ignorance ce que peuvent produire ses actes, parce- qu'il ne prévoit pas au-delà de son présent. Lorsqu'on le réprimande, c'est bien cette absence de prévision qui est en cause. Mais concernant les adultes, ceux-ci doivent maîtriser leurs actes et leurs conséquences Sorti de l'enfance, le sujet devient au moins synonyme d'une alliance de raison, de volonté et de conscience : il lui appartient de maîtriser ses actes pour qu'ils paraissent moralement ou socialement acceptables, jusque dans leurs effets relativement éloignés. [...]
[...] Tout d'abord par son importance quantitative : là où les conceptions classiques de l'esprit accordaient la place principale à la conscience comme moyen de cadrer avec ce que l'on vit, Freud considère que c'est l'inconscient qui constitue les neuf dixièmes de l'appareil psychique. Cela restreint aussitôt les capacités de la conscience à clarifier ou à maîtriser les conduites, tout autant qu'à en prévoir les conséquences éventuelles. L'inconscient paraît contredire l'exercice de la volonté La liaison entre conscience et volonté est mise en cause : l'inconscient constitué de pulsions est par nature dynamique, et il ne se prive pas de contrarier la volonté dans nombre de ses manifestations. Qui pourrait par exemple concevoir que son activité onirique est volontaire ? [...]
[...] L'inconscient peut-il servir d'excuse ? Lorsque quelqu'un cherche une excuse à sa conduite, c'est parce que ses actes paraissent répréhensibles. Il s'agit dans la plupart des cas de persuader qu'on ne l'a pas fait exprès, c'est-à-dire que la volonté propre n'est pas rentrée en jeu. Dans ce contexte, prétendre avoir agi inconsciemment semble faire allusion à ce qui peut, en effet, soit s'effectuer indépendamment de la volonté, soit contrarier carrément cette dernière. Avant d'examiner si de telles références à l'activité d'un inconscient peuvent servir d'excuses au comportement, il convient de préciser en quoi l'acte intégralement conscient ou volontaire implique la responsabilité du sujet. [...]
[...] C'est que, pour Alain, l'inconscient tel que Freud le découvre est par nature l'ennemi de la raison et de la volonté. Il est vrai que Freud souligne amplement, de son côté, que la satisfaction des pulsions est bien incompatible avec les exigences sociales, et c'est pourquoi leur refoulement est nécessaire pour l'équilibre individuel aussi bien que pour le maintien de la vie sociale : comment une société supporterait-elle que les conduites obéissent en permanence aux exigences de la libido ? [...]
[...] Pour conclure, agir inconsciemment est une expression que l'on ne peut accepter que si on l'applique à l'individu encore incapable de raisonnement, ou d'exercer une volonté articulée sur un véritable projet, c'est-à-dire à l'enfant, qui peut y trouver une manière d'excuser des conduites regrettables. Mais l'adulte, s'il prétend continuer à agir inconsciemment, révèle, en réalité, soit son incapacité à considérer lucidement ce qui compose une conduite, soit une incompréhension de l'enseignement freudien. En aucun cas, la formule ne peut être utilisée sérieusement pour se défaire d'une responsabilité qui demeure le signe de la maturité. [...]
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