Enfant-roi, pédopsychiatrie, société de consommation, Hannah Arendt, mai 68, système éducatif
Lorsque le 14 mai 1643 Louis XIII mourut, ce fut au Dauphin de monter sur le trône alors que celui que l'Histoire allait retenir sous le nom de Louis XIV n'avait que 5 ans. Alors que le terme enfant provient du latin infans, c'est-à-dire celui qui ne parle pas, l'usage voulait qu'à la cour de France ce fut au Roi d'adresser la parole aux courtisans et de les autoriser ainsi à parler avec lui. A 5 ans donc, Louis XIV quitta le silence de son âge pour acquérir la parole de son rang tandis que se forgea l'expression « enfant-roi ». Cette expression ne suggère pas tant une inversion des rôles qu'un précoce accès de l'enfant «muet », sans responsabilité juridique, sans aptitude aucune au gouvernement, au statut de celui qui est à l'origine de toute parole en même temps qu'on lui reconnait un droit divin : le monarque. Investi d'un pouvoir absolu, objet de toutes les attentions, capable de la meilleure des sagesses comme des pires caprices : du roi au tyran, il n'y a qu'un pas et l'enfant-roi semble le franchir régulièrement.
[...] Au niveau national la condition de l'enfant et du respect de ses droits est notamment protégée en France depuis 2000 par le Défenseur des enfants, autorité administrative indépendante, institution qui fusionna en 2011 avec le médiateur de la République. Mais ces changement dans la perception de l'enfant s'accompagnèrent de transformations sociales et intellectuelles, capables de favoriser l'émergence d'un tel concept autant que susceptibles d'apparaître comme d'éventuelles dérives. L'affirmation de la jeunesse avec le mouvement yé-yé au début des années 1960, la libéralisation des mœurs et le rejet de l'autorité fantasmés par mai 68 forment le slogan autant que la doctrine d'une nouvelle manière d'éduquer : « il est interdit d'interdire ». [...]
[...] Le succès en librairie de l'ouvrage de Marcel Rufo Détache-moi Se séparer pour grandir en 2005 repose sur des affirmations qui auraient pu choquer il y a encore une vingtaine d'années. Le célèbre pédopsychiatre demande aux parents de cesser de surprotéger leur progéniture et de songer à sévir pour frustrer ceux qu'il qualifie de « petits rois ». Son analyse autant que son succès démontrent à quel point la société contemporaine est en train de faire le deuil de l'innocence sur tous les plans, y compris à propos du sanctuaire de l'enfance. [...]
[...] « L'enfant est une personne » disait-elle, certes, mais elle en fit un roi, ruinant une éducation judéo-chrétienne séculaire dans laquelle existaient tendresse et amours mais respect et éducation. Car nous avons désormais l'impression qu'avec l'émergence du phénomène d'enfant-roi, il n'y a plus d'éducation parentale mais un laxisme où comme on achète parfois la paix sociale, les parents semblent se délier des responsabilités, exacerbées car désirées, qu'ils ont envers l'enfant pour céder à chacun de ses caprices, comme la si frustration enfantine paraissait incompatible avec le bonheur de l'enfance. [...]
[...] En adaptant sans cesse davantage de produits de consommation au public enfantin le capitalisme a ainsi trouvé une seconde jeunesse. C'est aussi dans la continuité des idées de 68 que s'inscrit le rejet d'une conception patriarcale de la famille et la crise de l'autorité à partir des années 70 dans les structures familiale et scolaire. Cette perte de l'autorité s'accroît d'autant plus que chaque génération a tendance à éduquer ses enfants en faisant preuve d'encore moins d'autorité. En s'appuyant sur le mythe d'un bonheur absolu que rien ne doit venir corrompre les parents en viennent à sacrifier l'éducation des enfants. [...]
[...] Il faudra attendre le développement de l'éducation avec les lois Guizot (1830) puis Falloux (1850) jusqu'aux lois Ferry (1881) pour voir s'affirmer la naissance d'une préoccupation des pouvoirs publics à l'égard de l'enfant puisque l'éducation devient finalement obligatoire puis gratuite. De la même manière à la fin de ce siècle les premières lois régulant le travail des enfants apparaissent, celui-ci sera ensuite interdit : ces évolutions s'accompagnent également d'une évolution des mentalités, notamment avec la littérature les œuvres de Charles Dickens et d'Emile Zola. [...]
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