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La pragmatique permet d'expliquer comment nous communiquons par le langage, comment nous attribuons des significations à nos propres dires et à ceux des autres. La place de la pragmatique semble indispensable si l'on considère les manques de l'approche psychopathologique et de la profusion des théories explicatives. La pragmatique est en train de devenir une science mature. Tout se passe comme s'il manquait un chaînon intermédiaire entre les observables empiriques et les modèles théoriques.
La pragmatique est la science du langage en acte. Elle permet de modéliser les fonctions de construction de la signification par les énonciateurs et les énonciataires. Elle stipule que si le langage présente les choses, il construit le sens qu'il donne à ces représentations en relation avec des contextes. La pragmatique est donc identifiable à une psychologie fondée sur l'étude des phénomènes langagiers qui tend à mettre en lumière les mécanismes procéduraux qui commandent l'usage de la langue en situation d'interlocution. Elle permet aussi d'expliciter certains mécanismes interlocutoires qui concourent à la production des discours et met en évidence des effets de biais. In fine, elle permet de définir des modalités de conduites des entretiens cliniques plus efficaces.
La méthode classificatoire de la psychopathologie est une première tentative de compréhension, mais elle traduit un certain désarroi du clinicien face aux phénomènes qu'il observe (dépression, paranoïa, schizophrénie, communication familiale...). La psychologie pragmatique, même si elle reste fragmentaire, permet des avancées dans l'étude de la psychologie de l'usage de la langue en acte dans des contextes spécifiés de communication. Chaque protagoniste (locuteur, auditeur) du dialogue interagit avec l'autre et semble participer à un jeu.
L'entretien n'est pas une situation dans laquelle le clinicien « prélève » des informations concernant le patient et son monde propre ; l'entretien est une situation dans laquelle le clinicien et le patient co-construisent une référence commune.
Le point de vue pragmatique concerne donc l'ensemble des significations associées au langage et en particulier les procédures de co-construction du sens intimement liées au déroulement des interactions entre les protagonistes (processus d'interprétation des signes langagiers et mimo-posturo-gestuels). L'entretien thérapeutique modifie le système de représentation du patient (...)
[...] PINARD en 1972 est le premier à faire une étude détaillée. Sur 2 groupes recevant des anti-dépresseurs, il constate une amélioration de l'humeur sur l'échelle d'Hamilton de la dépression qui s'accompagne d'une utilisation accrue de formules de politesse et une augmentation des énoncés exprimant des sentiments. En 1976, ANDREASEN et PFOHL montraient que les patients déprimés se caractérisent par une utilisation significativement plus importante des verbes être et de pronoms à la première personne que les maniaques qui utilisaient davantage les verbes d'actions et les adjectifs. [...]
[...] La voie automatique est normalement inhibée par la voie intentionnelle. Dans le cas de la schizophrénie, il y aurait inhibition de la voie réflexe, ce qui expliquerait la prégnance des stimuli de l'environnement dans leur production comportementale et en particulier verbale. L'incohérence du discours serait liée à ces irruptions de stimuli non pertinents de l'environnement. H3 : Altération du système de contrôle de l'action (fonction monitoring de l'action) : le système de contrôle permet normalement de prendre conscience de l'action en cours et permet d'en ajuster le déroulement en fonction des effets et contraintes rencontrées. [...]
[...] Le discours schizophrénique doit être appréhendé comme une production contextuée, interlocutoire. La schizophrénie est définie par BLEULER (1911) par des caractéristiques touchant la cohérence du discours et notamment la tendance à la délinéarisation et au décrochage conversationnel LA COHERENCE TEXTUELLE Tout discours est soumis à des contraintes de cohérence textuelle qui en assurent la linéarité : - la linéarité : les propositions d'un texte sont reliées les unes aux autres par des relations, explicites ou implicites (coréférence, articulation logique), - la progression événementielle : concerne les relations de contiguité temporelle et spatiale entre les propositions qui assurent l'évolution chronologique du récit, - la rationalité thématique : concerne l'articulation logique qui permet la construction de la macrostructure du thème COHERENCE CHEZ LES SCHIZOPHRENES Le discours schizophrénique comporte des modes particuliers d'articulation textuelle qui rendent sa compréhension difficile. [...]
[...] On y distingue notamment les conjonctions de coordination et de subordination que l'on classe fonctionnellement suivant la causalité, la concession, l'opposition Les connecteurs marquent une opération cognitive et peuvent constituer des indices langagiers permettant de comparer les discours. Des études ont mis en évidence quelques marqueurs langagiers de la dépression (verbe être et avoir et modalisateur d'expression je sens que Cet usage de connecteur varie néanmoins en fonction de l'état successif des sujets eux-mêmes (stress / non stress BLANCHET BONALDI, 1997). Les sujets souffrants diminuent la fréquence propositionnelle des connecteurs alors qu'ils les augmentent lors du retour à un état normal. [...]
[...] Le contexte modal est dit opaque car le modalisateur opacifie la valeur de vérité de la proposition subordonnée. MODALISATEUR ET MONDES POSSIBLES MARTIN (1983) propose d'appeler univers de croyance (mondes possibles) l'ensemble indéfini des propositions que le locuteur, au moment où il s'exprime tient pour vraies ou qu'il veut accréditer comme telles L'anti- univers de croyance peut être défini comme l'ensemble des propositions qui, quoique fausses en t0, auraient pu être vraies ou que l'on imagine telles, ce qui revient à dire qu'il existe 2 univers contrefactuels où elles sont vraies On comprend ainsi que la négation puisse être un indicateur du fonctionnement cognitif du sujet et que son utilisation par le sujet traduise certaines caractéristiques de son état de pensée. [...]
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