Le langage s'inscrit dans des dispositifs attentionnels qui le composent et le contraignent. Il permet, contrairement à la compétence attentionnelle, de libérer les sujets parlant des contraintes temporelles et de la coprésence physique. Le langage intervient après la compétence attentionnelle : les enfants, par exemple, disposent de compétences attentionnelles avant même d'avoir accès au langage.
Mais le langage démultiplie cette capacité de base en permettant, par exemple, de parler d'objets absents, de choses passées ou futures, d'éléments abstraits, bref il permet une dissociation entre les objets de l'attention et la situation locale ou temporelle. Cependant, la compétence attentionnelle est prélinguistique chez l'homme et apparaît comme un fondement, une base essentielle mais limitée, qu'il est intéressant d'étudier afin de mieux appréhender les mécanismes interactionnels.
Une des problématiques posées ici consiste à s'interroger sur l'existence de mécanismes spécifiques à la construction et au maintien des relations sociales. Autrement dit, y a-t-il des processus spécifiques mis en oeuvre lors d'une relation interactionnelle ? La particularité d'une interaction sociale à configuration dyadique est que X regarde Y et Y regarde X, chacun se plaçant ainsi à la fois comme acteur et comme objet attentionnel de l'autre. Cela semblerait effectivement refléter un processus particulier de la perception sociale, à travers la notion de face-à-face.
[...] L'évolution de l'attention sociale est intimement liée au passage d'une configuration dyadique à une configuration triadique. L'évolution de l'enfant permet de rendre compte de cette évolution. Ainsi, avant l'acquisition du langage qui intervient en moyenne autour de 18 mois, il fait preuve respectivement d'une capacité à manifester de l'attention mutuelle, déictique, conjointe, et enfin contrôlée. Le rôle du regard est lié lui aussi à cette évolution, ce que l'on constate en observant les différents schémas d'attention. Quant aux aptitudes sociales, elles sont dépendantes de l'organisation sociale. D'ailleurs, le passage d'une configuration dyadique à une configuration triangulaire est lui-même intimement lié à l'émergence des groupes sociaux (...)
[...] Le regard prend dès lors une dimension empathique. Certes, il peut sembler possible de ne pas faire transparaître d'émotions (ce que l'on pourrait appeler avoir un regard vide), mais cette absence apparente d'émotions ne conduit-elle pas, paradoxalement, à en juger la raison? Autrement dit, X peut interpréter cette apparence vide d'émotions comme un état particulier de Y est fatigué ou bien s'efforce de ne pas faire transparaître d'émotions pour une raison particulière, etc.) Bref, il semble difficile d'envisager que le regard puisse être neutre. [...]
[...] Sont-elles innées, intuitives et relativement simples comme le considèrent les psychologues? Ou bien participent-elles, a contrario, au développement intellectuel des primates et sont sujet à un développement (avis des éthologues)? Les éthologues concluent, d'après leurs études et leurs observations, que les aptitudes sociales sont "produites et stimulées par la vie en groupe" (Humphrey). De plus, le développement du néo-cortex des primates serait lié à la stimulation et au développement subis en ce qui concerne leurs aptitudes sociales (l'environnement social se placerait alors comme le premier responsable des stimuli permettant le développement de la cognition). [...]
[...] Les spécialistes considèrent une telle disposition comme une évolution car elle serait plus élaborée qu'une configuration dyadique. Ainsi, la situation triangulaire consisterait en un rapprochement de deux individus et l'exclusion d'un troisième, considéré comme un intrus dans la relation. Selon les éthologues primatologues, cette éviction d'un troisième individu serait surtout liée à un problème dans la représentation des relations. En effet, la difficulté des primates résiderait dans la complexité d'une relation composée de plusieurs individus car ils devraient alors prendre en compte chacun d'eux. [...]
[...] C'est donc un acte violent. Le regard subit lui aussi une sorte d'évolution dans son emploi puisqu'on constate que l'enfant passe d'un regard mutuel à un regard déictique lors de son apprentissage de la communication. On comprend dès lors que le regard et l'attention sont intimement liés. C'est ce qui conduit B.Conein à précise que "Pour sortir du face-à-face, il faut sortir du regard mutuel". Le passage à une configuration triadique conduit à la forme d'attention dite conjointe. Attention conjointe Donc, on constate une évolution dans les différentes formes d'attentions liées au regard et au nombre d'objets et d'interactants. [...]
[...] Dans le cas chaque individu est en relation avec deux autres. Lorsque l'on ajoute un membre au groupe, le nombre de relations pour chaque individu passe au nombre de trois. Pour finir, lorsque le groupe compte six individus, chacun doit prendre en compte cinq relations. Enfin, il faut préciser que, dans les cas mis en relief ici, il ne s'agit que de mettre en relief les relations que compte chaque individu séparément. Mais il faut ajouter à cela qu'il est nécessaire pour chacun d'avoir également une représentation des relations qu'ont les autres individus entre eux, c'est-à-dire une représentation de représentation de relations. [...]
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