Ce texte est une lettre, datant de janvier 1936, de Sigmund Freud s'adressant à l'écrivain Romain Rolland. A l'occasion du soixante-dixième anniversaire de Romain Rolland, Freud lui écrit cette lettre retraçant un de ses propres troubles du souvenir, survenu à la fin de l'été 1904, lors d'un voyage à Athènes, précisément sur l'Acropole. Freud s'y rendait pour la première fois, accompagné de son frère cadet, à la suite d'un court séjour à Rome.
Quelles sont la nature et la source de ce trouble du souvenir ?
Dans un premier temps, nous allons observer le contexte de cette lettre. Ensuite, nous étudierons le sentiment paradoxal ressenti par Freud. Enfin, nous nous intéresserons à la déformation, et ses causes, de ce souvenir.
Tout d'abord, nous allons étudier le contexte dans lequel ce texte a vu le jour, en observant ce que cette date (janvier 1936) représente dans la vie de Freud, mais également en abordant la biographie de Romain Rolland et la nature de sa correspondance avec Freud.
Cette lettre date de janvier 1936, soit six ans après que Freud ait reçu le prix Goethe et trois ans avant sa mort. Juste avant cela, malgré la reconnaissance de l'Allemagne, la montée du nazisme a engendré la destruction, par le feu, de ses livres à Berlin. Sa dernière grande oeuvre, Malaise d'une civilisation a été publiée en 1929. Dans les années 1930, Freud n'a donc plus publié de grandes oeuvres psychanalytiques, mais il entretenait toujours sa correspondance avec Romain Rolland, et continuait à traiter quelques patients. Il quitta Vienne en 1938 pour rejoindre l'Angleterre, où il décèdera un an plus tard.
[...] La situation comprend ma personne, l'Acropole et ma perception de celle-ci. Je ne sais où caser ce doute, puisque je ne peux pas mettre en doute les impressions sensorielles qui me viennent de l'Acropole. Mais je me souviens que, dans le passé, j'ai douté de quelque chose qui avait affaire avec cet endroit justement, et je trouve là l'information qui me permet de replacer mon doute dans le passé. Mais du même coup le doute change de contenu. Car je ne me rappelle pas simplement que dans mon jeune âge je doutais de jamais voir d'Acropole moi-même, j'affirme qu'à cette époque je n'avais absolument pas cru à la réalité de l'Acropole. [...]
[...] Enfin, Freud en arrive à expliquer la maussaderie ressentie à Trieste comme manifestation d'un sentiment de culpabilité à l'égard du père. En effet, malgré l'importance, pour lui comme pour son frère, de se rendre à Athènes, leur mauvaise humeur, pendant l'attente du départ de Trieste, reflèterait la culpabilité, l'injustice et l'interdiction ressenties. En allant sur l'Acropole, ils avaient su se démarquer de leur famille. Ce voyage était le symbole de leur réussite, qui leur avait permis de dépasser le niveau professionnel et social de leur propre père. [...]
[...] La réponse est donnée par toute une série de cas parce qu'on ne peut s'attendre à rien de bon de la part du destin. Ainsi, une fois de plus le too good to be true, l'expression d'un pessimisme dont beaucoup d'entre nous semblent loger une bonne part en eux. D'autres fois, les choses se passent tout à fait comme pour ceux qui échouent à cause de leur succès, il s'agit d'un sentiment de culpabilité ou d'infériorité qui peut se traduire ainsi " Je ne suis pas digne d'un pareil bonheur, je ne le mérite pas. [...]
[...] Freud n'ayant jamais pu douter de la réalité effective d'Athènes ou de l'Acropole, il était évident pour lui que se cachait un autre souvenir derrière cette déformation. Cet autre doute portait sur le fait que Freud puisse un jour se rendre à Athènes. La réalisation de ce rêve était également un symbole de réussite et de supériorité du fils sur son propre père, ce qui expliquerait l'humeur maussade ressentie à Trieste, avant de partir pour Athènes, reflétant d'une part la peur que ce désir de découvrir Athènes ne se réalise pas, et d'autre part un sentiment de culpabilité provoqué par cette supériorité. [...]
[...] L'extrait étudié ici, Un trouble de la mémoire sur l'Acropole, est un texte que Freud a dédié à Romain Rolland, à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire, en janvier 1936. On retrouve, au début de cet extrait, des démonstrations de l'admiration de Freud à l'égard de son ami écrivain : mon admiration pour votre amour de la vérité, votre courage dans la profession de foi, votre bienveillance envers les hommes et votre zèle à secourir (lignes 4 à ; ma gratitude pour l'écrivain qui m'a donné tant de jouissance et d'élévation (lignes 7 et 8). [...]
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