Jacques Derrida, Élisabeth Roudinesco, psychanalyse, Commentaire d'oeuvre, psychanalystes, citation, Freud, évènements politiques, portée analytique, pulsion de pouvoir, théories freudiennes
Jacques Derrida fait partie de ces analystes qui ont mis le doigt sur l'importance de la notion de cruauté et de pouvoir au sein de l'oeuvre de Sigmund Freud, comme en témoigne d'emblée cette forte affirmation de Freud, « nous sommes tous issus d'une longue lignée d'assassins », en référence au premier meurtre de la Genèse, celui du meurtre d'Abel par son frère Cain. Alors que d'aucuns seraient ravis de laisser Freud dans le sillage de la psychanalyse « pure », il est pourtant à envisager aussi comme un penseur politique, puisqu'en réalité, la psychanalyse peut s'appliquer dans tous les domaines, et c'est bien là le point culminant de la citation étudiée : appliquer la psychanalyse dans tous les domaines, juridique, économique, politique, etc. revient à bouleverser profondément l'ordre établit existant au sein de ces derniers.
Freud analysait de manière fort éclairée les évènements politiques de son époque, traduisant ainsi la portée bien plus large que la psychanalyse revêt en réalité. En fait, la psychanalyse semble faire peur au pouvoir parce que, vu sa portée analytique et large qui s'applique tout autant à la politique, au pouvoir, et à l'exercice de la cruauté, elle représente un outil dangereux contre le pouvoir, notamment contre les dictatures, mais pas que. On comprend ainsi que politique, pouvoir et psychanalyse sont en fait intrinsèquement liés et que gestes politiques forts peuvent tout à fait être issus et/ou liés à la psychanalyse.
[...] Dès 1966, la psychanalyse se voit associée à d'autres domaines comme l'anthropologie ou la philologie, car, dans le fond, la psychanalyse invite à s'interroger sur la face cachée, sombre des choses. Ce faisant, il existe une dimension profondément critique à la psychanalyse, qui l'invite à remettre en question les autres sciences : on comprend ainsi aisément pourquoi elle se révèle profondément subversive pour le pouvoir. Foucault avait lui aussi bien compris l'importance de la psychanalyse, tout en la redoutant, affirmant que le discours psychanalytique revêtait une dimension « impérialiste ». [...]
[...] En fait, la psychanalyse met bien en péril l'ordre établit, raison pour laquelle elle représente un danger et un potentiel « tremblement de terre » si elle était réellement appliquée. Ainsi, l'importance de regarder bien en face l'existence de cette pulsion de pouvoir est nécessaire pour l'analyste qui, en déliant, en renonçant au pouvoir, peut ainsi laisser surgir ses pensées dans le but ultime de les analyser : c'est une cure. Ainsi, la psychanalyse présente les symptômes d'une « maladie auto-immune » car elle se refuse à penser complètement en s'interdisant de penser certains sujets ; pire encore, elle se dénature en se soumettant à l'État alors que son rôle est plutôt de résister à l'ordre établit, garder son indépendance. [...]
[...] On comprend ainsi que politique, pouvoir et psychanalyse sont en fait intrinsèquement liés et que gestes politiques forts peuvent tout à fait être issus et/ou liés à la psychanalyse. Ainsi, la pulsion de pouvoir représente un concept issu de l'analyse de l'œuvre freudienne par Derrida, qui veut qu'avant toute existence du pouvoir en tant que tel, il préexiste une « pulsion de pouvoir », une volonté de « pouvoir commencer » quelque chose, un « Je peux ». Mais cette pulsion, tout comme la pulsion de cruauté, n'est pas celle vers laquelle il faut se tourner si l'on veut fonder une politique juste ; il faut, au contraire, la combattre. [...]
[...] Alors que Freud a rapidement mis en évidence l'existence d'une pulsion de pouvoir, dénommée comme telle par Derrida, l'existence même de cette pulsion fait peur et met en danger l'ordre sociétal établit. En effet, si la politique peut s'expliquer par une pulsion inconsciente et sans motifs, comment ne pas y voir une remise en question de son application quotidienne ? La psychanalyse invite à s'interroger au plus profond de nous-même, que ce soit en tant qu'individu, mais aussi au niveau des sociétés, de la politique, de la justice, de l'économie etc. Tous les domaines peuvent, en soi, être sujets à la psychanalyse. [...]
[...] La psychanalyse a ainsi une vocation, y compris dans la sphère politique. Elle sert à remettre en question le discours politique, à l'analyser, à le disséquer de manière à en faire ressortir l'essence, fusse-t-elle effrayante. Et c'est bien là le problème : parce que la psychanalyse doit avoir vocation à aller au bout des choses, elle représente éminemment un danger pour le pouvoir, pour les États, dictatures ou pas, car elle viendrait les remettre en cause et remettre en cause leurs arguments. [...]
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