Penser la psychose : Une lecture de l’œuvre de Piera Aulagnier - Mijolla-Mellor S., 1998

Résumé du document

Piera Aulagnier replace l'Autre dans les circonstances de son avènement. Elle l'historicise.
A l'origine il y a le narcissisme primaire où le monde est ignoré. La sortie de cet état peut être représentée comme un « échec » infligé par la réalité à la toute puissance narcissique. Ce qui est particulier dans la théorie de Piera Aulagnier, c'est la place qu'elle donne à la notion de rencontre et celle de complémentarité.
Ainsi, paradoxalement, la question de la relation à l'Autre pour tout sujet commence par ce temps où l'Autre lui préexiste et constitue, pour reprendre l'expression de l'auteur, ″l'espace où le Je pourra advenir″.

Extraits

[...] Le sens Un sens humain donné à la réalité Piera Aulagnier développe la notion de télescopage entre le fantasme et la réalité. Cette métaphore d'interpénétration conduit à ne plus savoir distinguer les composants originels du fantasme et de la réalité. Dans l'enfance ces télescopages vont avoir pour résultat de fixer la situation à la manière du traumatisme et de rendre impossibles le refoulement et la réélaboration ultérieure du fantasme. C'est la capacité ou l'incapacité de la mère à aider l'enfant à reconnaitre l'évènement et à lui donner un sens qui ne soit pas la seule expression du fantasme, que dépendent les suites pathologiques de ce télescopage. [...]

[...] 104) La scène primitive constituant pour elle, comme pour M. Klein, le noyau de toute organisation fantasmatique. La structure relationnelle propre au fantasme Le postulat sur lequel repose le primaire est double : - Donner une interprétation scénique (c'est-à-dire une image où figure le fantasmant) de tout évènement, de telle sorte que sa cause réside dans le désir de l'Autre, tel qu'une intention est prêtée à ce dernier, et projetée sur lui ; - Interpréter dès lors le déplaisir lorsqu'il se rencontre, ce qui est inévitable, mais aussi le plaisir, comme étant la réalisation du désir de l'Autre. [...]

[...] Anhistoricité, secret et interdit de pensée La découverte de l'enfant de sa propre capacité à mentir implique pour lui à la fois de pouvoir dissocier une pensée exprimée d'une pensée gardée secrète et de savoir que les parents ne peuvent percer à jour le secret. La pensée s'offre donc comme un espace intérieur propre au Je dont il va pouvoir jouir de manière autonome. Cependant, ce n'est pas le cas pour le schizophrène, chez qui l'interdit de penser va de pair avec la nécessité pour la mère d'interdire à l'enfant un savoir concernant ses origines. [...]

[...] Enfin le corps est connu à travers ce qu'énonce le discours et le savoir dominant de la culture à laquelle appartient le sujet. (p. 16) L'émotion L'émotion pour Piera Aulagnier est différente de l'affect selon trois caractéristiques : - L'émotion modifie l'état somatique du sujet qui la ressent - L'émotion se donne à voir au regard de l'autre par des signes perceptibles et, le cas échéant, provoque une réponse similaire - L'émotion se réfère à un vécu dont le Je a connaissance et dont il peut même savoir ce qui l'a provoqué Cette représentation du corps de l'infans par la mère à travers les émotions qu'il suscite chez en elle, tempérées par le discours théorique auquel elle peut faire appel, se développe parallèlement avec les représentations imaginaires que forme l'infans concernant son propre corps. [...]

[...] 31) Le conflit identificatoire se situe entre le Je identifiant et le Je identifié, soit entre les idéaux du Je et le Je, ou du moins la manière dont il s'autoperçoit conforme ou non auxdits idéaux. (p. 31) C'est le conflit d'une plus ou moins grande intensité qui qualifiera la névrose. Dans la psychose, ce n'est pas un conflit, mais un clivage entre le Je identifiant et le Je identifié. Le recours au délire sera un moyen de colmater la souffrance. Le compromis identificatoire Par ce terme est désignée la double caractéristique de l'identification, c'est-à-dire la permanence et le changement. Ce compromis identificatoire est fait à partir de l'espace relationnel. [...]