L'interrogation sur la laideur est une interrogation récente. Si nous voulons remonter plus loin dans cette interrogation, il faut associer au mot laideur ceux d'étrange, d'étranger, d'altérité. Il faut penser le laid autrement que par opposition au beau. Le laid n'est pas le contraire du beau, il est autre chose. L'auteur nous propose une réflexion sur le ressenti de la laideur.
L'auteur commence par prendre l'exemple célèbre de Toulouse Lautrec. Atteint de nanisme, difforme, laid, la personne n'en est pas moins un très grand peintre. Malgré cela, Toulouse Lautrec suscite l'horreur, le dégoût…Comment vivre avec un corps difforme ?
Pour Simone Korff Sausse , la laideur du corps correspond à une atteinte invalidante de l'intégrité somato-psychique. Ce qui est laid n'est pas aimable, ce qui n'est pas aimable est laid. La dévalorisation est donc double, à la fois narcissique mais aussi esthétique. La personne laide, comme par exemple l'enfant porteur de déficience, nous renvoie une image déformante de nous-mêmes, une image que nous préférons ne pas voir.
[...] Priape, rejeté par sa mère, se voit contraint, pour forger son identité, d'exhiber sa difformité créant ainsi une identification quasi totale de ce dernier à cette dernière. Pour l'auteur, les enfants porteurs de handicaps procèdent du même mouvement identificatoire et cherchent à masquer cela soit en exhibant à outrance leur différence, soit en attirant l'attention sur une autre partie de leur corps. L'expérience traumatique du regard En s'appuyant sur les écrits de Winnicott, Simone Korff Sausse nous explique que le premier miroir, pour le jeune enfant, est le regard de sa mère. Paradoxalement, le handicapé risque également d'être un miroir pour les autres. [...]
[...] Cependant, l'auteur pose que l'équation n'est pas si simple à résoudre et que la laideur peut tout autant fasciner que la beauté. L'histoire de l'art nous montre que l'esthétique ne peut se réduire au beau. Dans la pensée freudienne, les organes sexuels sont vecteurs de désirs alors qu'on ne peut pas vraiment les considérer comme beaux. Par ailleurs, l'appréciation du beau varie en fonction des lieux et des époques. Le laid apparemment repoussant exerce donc une étrange attraction. Le beau, apparemment plaisant, provoque une troublante inquiétude. [...]
[...] La laideur transfigurée Dans cette partie, l'auteur fait le lien entre nos représentations de la laideur, les craintes qui y sont associées et l'iconographie chrétienne. Elle évoque pour cela le retable d'Issenheim Grünewald à Colmar, qui donne une image particulièrement mutilée et terrifiante du christ. Pour elle cette œuvre marque une étape décisive dans la représentation du corps. En effet, le christ représente à la fois la perfection et la laideur, la souffrance. Elle note que dans l'antiquité, le corps représenté est un corps sublimé (en général celui des athlètes des Jeux olympiques), au début du moyen âge, lorsque la christianisation commence, il faut présenter un christ pur, beau sa souffrance n'est donc pas représentée. [...]
[...] Pour Murielle Gagnebin, auteur de l'ouvrage fascination de la laideur' ; 1978 ; la notion de laideur et la notion de temps sont intimement liées. La laideur nous montre le pouvoir du temps sur la beauté, elle renvoie à une vision mortifère de nous-mêmes. Elle est également associée à l'idée de manque. Pour l'enfant porteur de handicap, la difficulté tient au fait qu'il ne se reconnaît dans aucun des deux parents. Le sentiment d'être laid fait appel aux représentations sociales liées à la laideur. [...]
[...] La représentation de la souffrance du christ pose son incarnation comme inéluctable. Le christ, parce qu'il souffre, parce que cela se voit est rendu plus humain par voie de conséquence, moins divin). Elle utilise ensuite les travaux de John Rickman (1937) pour expliquer comment l'artiste transfigure la laideur et lui donne ainsi accès à la beauté. La laideur exprime en quelque sorte la vérité, celle de la condition humaine. La beauté serait une forme réactionnelle qui viserait à occulter cette condition. [...]
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