Pour porter un regard analytique sur la civilisation, du point de vue psychologique, c'est-à-dire en ce que l'on pourrait transposer à la civilisation les processus psychiques à l'oeuvre dans l'individu, Freud tente d'abord de tracer les contours de ce qu'il choisit de nommer indifféremment « culture » ou « civilisation ».
Il s'agit de l'organisation des sociétés humaines dans l'accomplissement de leur objectif : maîtriser la nature afin d'en tirer les objets nécessaires à la consommation des hommes, et arranger les relations humaines pour le fonctionnement optimum du groupe, en exigeant d'eux des « sacrifices pulsionnels », autrement dit de renoncer à la satisfaction de certaines pulsions (...)
[...] Ainsi, il souligne que les hommes d'Eglise sont moins sujet à une névrose individuelle parce qu'ils embrassent particulièrement bien la névrose collective. La religion ainsi envisagée, le travail de critique rationnelle de celle-ci peut s'apparenter au traitement psychanalytique, et l'on peut estimer que l'humanité moins la civilisation Européenne–, est arrivée au stade de son développement où elle peut abandonner ses mécanismes de défenses psychiques, et déconstruire les dogmes religieux afin d'accéder à l'état réel des choses C'est en quelque sorte l'accès de l'humanité à la symbolisation : bien loin de saper les fondement de la culture, l'abandon de la religion laissera les hommes dans la pleine compréhension des règles de leur culture, sans nécessité de contrainte, dans un rapport intériorisé avec celles-ci, comme l'enfant qui en grandissant finit par comprendre la symbolique des adultes et le bien-fondé des histoires pour enfants qu'on lui avait racontées. [...]
[...] En effet, Freud attribue une origine pulsionnelle aux comportements sociaux, et à leurs manifestations culturelles. Il compare en effet l'évolution de la civilisation —depuis les temps préhistoriques jusqu'au XXè siècle— au développement de l'enfant. Ce dernier est la proie de nombreuses pulsions qu'il doit refouler, principalement dans sa relation au père (complexe d'Œdipe), ce qui crée son angoisse et les différentes phases névrotiques de son développement. De même, l'humanité doit refouler ses pulsions collectives afin d'organiser la vie en société. [...]
[...] Elles répondent par une heureuse coïncidence aux désirs les plus puissants de l'humanité. Tant elles sont invraisemblables, certaines assertions religieuses ressortissent même pour Freud, au-delà des illusions, à des idées délirantes Elles fondent de solides croyances, ainsi que le montre le credo quia absurdum des théologiens chrétiens. Comment abattre les illusions religieuses sans saper les fondements mêmes de la culture ? Que les inepties religieuses soient peu à peu remplacées au sein de la minorité éduquée par des fondements scientifiques, cela est inévitable. [...]
[...] Freud remarque qu'avec les progrès de la civilisation, lorsque peu à peu les forces de la nature deviennent objet d'étude scientifique et que les lois naturelles universelles sont progressivement découvertes, alors la fonction des représentations religieuses, des dieux, se concentre sur la troisième dimension : il s'agit de légitimer les privations des masses opprimées, par la promesse d'un ordre et d'une justice transcendants, et de la continuation de la vie après la mort. Reprenant certains éléments développés dans Totem et Tabou dans l'analyse des éléments psychiques à l'œuvre dans le totémisme et l'animisme, Freud s'interroge sur les dimensions psychologiques des représentations religieuses et de leur genèse. Il montre le parallèle entre la figure divine et la figure paternelle, et entre l'état de désaide (Hilflosigkeit) de l'enfant en bas-âge et l'état de désaide de l'homme dans la nature. [...]
[...] Pour Freud en effet, la satisfaction narcissique qui découle de la création artistique, que ce soit pour son auteur comme pour tous les individus qui se trouvent apparentés à cette culture, constitue un ciment qui maintient l'unité et la force du groupe social. A travers l'art, les masses dominées s'identifient à la culture des dominants et cherchent à la préserver. Mais le principal biais de sujétion de l'homme à la culture se trouve dans les représentations religieuses. Face aux dangers de la nature, l'homme social réagit par l'humanisation des forces à l'œuvre dans la nature. Elles lui apparaissent alors domptables ; il lui semble qu'un commerce est possible avec elles. [...]
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