Il me semble que Bacon exprime à travers sa peinture certains penchants contre lesquels nous luttons constamment car nous ne parvenons pas à les accepter comme étant nôtres.
[...] Il est peut-être préférable pour lui de rester dans cette pièce aux formes arrondies, sorte de refuge. Ce personnage n'est à priori pas encore prêt à aller vers cette couleur violette dont est empreint l'intérieur du cadre de la porte. Il est encore trop imprégné, dans son corps, par la souffrance qu'il ressent et il ne parvient pas à dépasser cette douleur. Pourtant cette porte est très proche et lorsque cet homme parviendra à se retourner pour la franchir, cela signera certainement le fait qu'il a atteint un état psychique salvateur et qu'il sera capable de dépasser la cause de cette souffrance actuellement intolérable. [...]
[...] Mais ce personnage ne semble pas encore prêt à affronter cet inconnu et il préfère rester là où il en est, au centre de la scène, au centre du cercle. Le temps y paraît suspendu. Il est comme le pivot qui rend possible le mouvement des êtres, des choses autour de lui mais qui s'y oppose pour lui-même car il reste immobile au centre de la pièce, comme s'il ne se sentait pas concerné personnellement par les choses matérielles de la vie. [...]
[...] Nous ressentons une sorte de dégoût qui nous fait reculer et nous empêche de regarder ce que Bacon nous donne à voir. Les œuvres de Bacon peuvent donc susciter un sentiment très ambivalent ; nous pouvons être, tout à la fois, remués, choqués, dégoûtés mais également être attirés et vouloir percer le mystère de ces images, ce qui se produit pour moi, aujourd'hui. Je me demande d'ailleurs si cette répulsion, que nous pouvons éprouver en regardant ces tableaux si inattendus, n'est pas due au fait que ces images sont en quelque sorte un révélateur de notre inconscient dont nous avons du mal à accepter certains aspects? [...]
[...] Le journal, jeté au sol, semble être là pour signifier la mémoire de ce vécu, désormais morceau de vie déchiqueté sur lequel restent encore quelques traces, marques certes indélébiles mais tellement malmenées. Cette flaque violette, très atténuée sur le parquet, représente-t-elle les larmes versées par le peintre par rapport à ce qui ne sera plus mais dont la fin semble peu à peu acceptée ? Nous avons le sentiment que cet homme a quelque chose à nous dire, à nous transmettre ; qu'il va se passer quelque chose pour lui, qu'une transformation est possible. Ce personnage est figé mais pourquoi ? [...]
[...] Le bois du parquet est habituellement, en raison de sa texture, considéré comme un élément tendre, chaleureux, et il devrait apporter à l'ambiance du tableau une certaine sérénité. Or, ce parquet contraste avec certains autres indices plus percutants, ce qui nous pousse à y voir malgré nous, une scène à tonalité tragique. Cette juxtaposition d'éléments n'ayant apparemment aucun lien entre eux interpelle ; l'interrupteur n'allume aucune lampe visible, la porte est décalée, sortie de ses gongs, placée sur une table de façon quasi- magique et y écrase un objet non identifiable. [...]
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