Au XVIe siècle, dans la région de Rennes, Noël du Fail dans ses Propos Rustiques il indique la composition habituelle du repas quotidien : du choux et du lard, dont on mange d'abord le bouillon de cuisson en y trempant les « soupes »_ c'est-à-dire des tranches de gros pain. Outre les choux, les héros de Noël du Fail plantent dans leurs jardins des « porrées » (blettes) et des poireaux. Ils y font aussi pousser toutes sortes de « bonnes herbes » ainsi que des fèves, des pois et des navets ; quant aux arbres fruitiers ils consomment une partie large directement à l'arbre mais en conservent tout de même pour l'hiver. En fait de viandes, les volailles - poules et oisons - sont plutôt réservées à la vente et aux redevances seigneuriales tandis que les paysans se contentent de porc salé.
Ce précieux témoignage est néanmoins lacunaire à propos de deux éléments pourtant capitaux de l'alimentation paysanne quotidienne de l'époque moderne : les Propos Rustiques n'évoquent qu'à une seule reprise explicitement le pain ( de nombreuses fois cependant le sont les moulins et les fours ) et le fromage qu'en parlant des paysans qui vont en ville en porter un à leur maître, quant au lait, au beurre ou au babeurre cette fois aucune allusion … Ce sont pourtant des aliments abondamment et couramment consommés.
[...] Ainsi, la plupart des instructions concernant la tenue à table exigent désormais une virtuosité preuve véritable que l'on est habitué aux bonnes manières. Manger une simple figue ne s'improvise pas : elle doit être coupée en quatre lanières pas complètement séparées, on en ôte alors la pulpe que l'on déguste avec la fourchette ; quant à l'artichaut pour éviter une complexité cette fois trop importante on convient, selon nombre de livres de cuisine, de n'en servir les fonds que lors des grands dîners. [...]
[...] Ainsi, pas de réel désir pour un paysan d'imiter dans son quotidien monotone une bourgeoisie et une noblesse qui, comme nous allons l'expliciter, font de la nourriture et de la table un élément de mode, de comparaison ou encore un moyen de gouvernement. II- Le triomphe de la bourgeoisie : les mœurs et la table Hiérarchies : les mets, les apprêts et les convives Au Moyen Age il ne saurait être question d'harmonies entre les plats qui sont servis, même à la table du roi, on trouve ainsi parfois au même menu à plusieurs reprises le même poisson ou la même viande, les prescriptions impératives d'harmonie suivent une évolution parallèle de la montée de la classe marchande, sous forme d'une bourgeoisie urbaine très hiérarchisée et en pleine conscience du pouvoir de l'argent qui est entre ses mains. [...]
[...] Outre les choux, les héros de Noël du Fail plantent dans leurs jardins des porrées (blettes) et des poireaux. Ils y font aussi pousser toutes sortes de bonnes herbes ainsi que des fèves, des pois et des navets ; quant aux arbres fruitiers, ils consomment une partie large directement à l'arbre, mais en conservent tout de même pour l'hiver. En fait de viandes, les volailles _ poules et oisons _ sont plutôt réservés à la vente et aux redevances seigneuriales tandis que les paysans se contentent de porc salé. [...]
[...] Le maître d'hôtel des grandes maisons doit s'occuper non seulement du service de table, mais aussi de l'approvisionnement et de ce que nous appellerions la gestion du personnel. Il est chargé de la table du maître et de sa famille, de même qu'il lui incombe de nourrir son personnel. Il élabore les menus quotidiens, ou ceux des réceptions, en consultant les goûts de son maître et en veillant à établir une hiérarchie suivant l'importance des tables qu'il a à fournir. [...]
[...] Dans cette question du conservatisme se pose également la question d'un désir d'imitation de la part des masses populaires en matière culinaire. A cela, Noël du Fail répond dans ses Propos Rustiques : les volailles étaient plutôt destinées à la vente et aux redevances seigneuriales tandis que les paysans se contentaient de porc salé. Non seulement ils en faisaient leur ordinaire, mais ils n'imaginaient pas de nourriture plus attrayante : certains, rêvant à ce qu'ils feraient s'ils devenaient gros seigneur, se voyaient mangeant tout leur saoul d'un beau lard jaune et Jean-Louis Flandrin d'apporter à ce propos une explication : autrement dit un lard rance, abominé par toutes les autres classes de la société, mais auquel, eux, trouvaient l'avantage de donner plus de goût à la potée. [...]
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