Nourriture, alimentation carnée, pilier culturel, réflexion anthropologique, cohésion sociale
L'alimentation, si elle est un besoin physiologique universel, est aussi sujette à des pratiques variées: elle apparaît donc comme étant une articulation de l'unité de l'homme et de la diversité des cultures, fondement de la réflexion anthropologique. Ainsi, l'alimentation révèle l'identité de chaque groupe en dévoilant leurs techniques, leurs structures sociales, leurs traditions et leurs visions du monde dans la structuration du quotidien. En effet, dans sa théorie du triangle culinaire, Lévi-Strauss considère la cuisine d'une société comme un langage dans lequel cette société « traduit inconsciemment sa structure (…) et ses contradictions » (Lévi-Strauss, 1965, p. 19). L'alimentation est donc une image de sa société: elle apparaît alors comme un domaine central des objets anthropologiques. D'autre part, dans l'imaginaire des sociétés occidentales, la viande est l'aliment vital: elle marque le prestige et la hiérarchie sociale. Les choix alimentaires des groupes humains livrent alors autant que leurs systèmes d'alliances ou l'organisation de leurs mythes, des clés de compréhension de la structure sociale.
[...] Il ne garde de l'animal que les bons effets de ses éléments sur son corps, on retrouve alors la notion de magie au sens de Frazer avec le principe de similitude et de contiguïté: la viande sera alors un traitement thérapeutique par le bien fait de l'action du semblable sur le semblable. Le sarcophage sera alors amener à refuser de consommer ce qui rappelle trop précisément l'animal ayant vécu et mort pour être mangé, comme les abats. Répugnance à l'animalité de l'animal D'autre part, le zoophage va refuser à l'animal une intériorité et une sensibilité, contrairement au sarcophage et au végétarien. [...]
[...] L'homme ne mange pas l'animal, il produit à travers lui des substances consommables accessoires à ce dernier mais qui sont considérées comme essentielles à la nutrition humaine, et seule la mort de la bête donne accès à cette production. L'animal est alors un alambic vivant dont son engraissement permet la multiplication de la chair qui n'est pas naturelle, qui n'appartient pas à l'animal mais qui est production humaine. La négation de l'animal en tant qu'être vivant et similaire à l'homme est alors la condition pour sa consommation. Il apparaît alors évident que la nourriture carnée est tributaire de représentations culturelles et symboliques . Ainsi, la consommation de viande répond à des logiques sous-jacentes définissant le statut de l'animal. [...]
[...] On retrouve alors la peur implicite d'une anthropophagie virtuelle issue de la prohibition de l'allélophagie. Ainsi, l'allélophagie est la manducation du même et du semblable, sa prohibition suscite alors dans notre société des tabous implicites et inconscients. En effet, manger un animal carnassier serait une anthropophagie indirecte ou virtuelle car il y a toujours le risque que celui-ci ait consommé un humain, et se soit ainsi humanisé, car on devient ce qu'on mange. Ainsi donc, manger des animaux herbivores protège l'homme de l'anthropophagie qui est, dans son esprit et sa culture, une peur profonde. [...]
[...] En effet, considérés depuis longtemps comme une nourriture de pauvres, ils se voient attribuer une connotation sociale péjorative. Halbwachs a souligné le carcatère social de la consommation alimentaire: Il y a des aliments qu'on ne mange pas parce qu'ils sont considérés comme inférieurs, et d'autres qu'on recherche (parce qu'ils apportent satisfaction à l'organisme) mais parce qu'ils font honneur (Halbwachs p.169). Ceci est dû au refus des classes aisées du XXe siècle d'en consommer car jugés comme peu convenables, les abats sont alors devenus un signe distinctif entre les classes rurales qui mangeaient tout de l'animal sans distinction, et les classes fortunées qui sélectionnaient leurs aliments. [...]
[...] La consommation carnée nécessite alors une négation de l'animal en tant qu'être ayant vécu. Ainsi, dans une société où l'animal domestique connait une place de plus en plus importante dans les foyers, manger de la viande pourrait être considéré comme déplacé. Néanmoins l'alimentation carnée demeure un fait social et culturel prépondérant amenant l'homme à distinguer l'animal domestique de l'animal consommable. Différents processus se succèdent alors amenant l'homme à humaniser, puis à nier, la bête qu'il élève. En effet les éleveurs, ceux qui connaissent l'animal à manger de son vivant, ont la nécessité de se distancier face à l'animal afin de ne pas le considérer comme domestique mais comme comestible. [...]
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