Il s'agit donc de révéler les aspects philosophiques et anthropologiques de la dispute entre Diderot et Rousseau. Nous concentrerons notre analyse bien évidemment sur les causes réelles de cette dispute, mais nous ferons en sorte de soulever aussi les accords implicites et explicites des deux philosophes. Le but étant de cerner les rapports qu'entretiennent ces deux philosophies.
Il ne s'agit cependant pas ici de replacer ces conceptions dans une histoire de la philosophie. Nous traiterons donc uniquement les sujets en commun chez Diderot et Rousseau. C'est pourquoi les conceptions matérialistes de Diderot, qui sont pourtant les plus géniales pour cet homme du XVIIIe siècle, ne pourront faire l'objet d'une partie spéciale. Nous ne pourrons en parler qu'en tant qu'elles nous sont utiles pour comprendre ce qui le distingue de Rousseau. L'idée initiale de ce travail était de savoir pourquoi, après une amitié de 15 ans, Rousseau et Diderot ont finalement choisi deux voix tout à fait séparées, voire diamétralement opposées. Si nous retenons cette dispute comme digne d'intérêt pour l'analyse philosophique, c'est qu'elle cache, à notre avis, un conflit d'idées des plus profond.
Nous nous étonnerons d'autant plus que c'est justement l'idéaliste Rousseau qui se rapproche des idées révolutionnaires et non pas le matérialiste Diderot, qui se contentera de prôner le réformisme. Nous voyons à quel point les cheminements des deux philosophes s'entrecroisent pour donner une relation très originale dans l'histoire de la philosophie. Voilà pourquoi nous avons voulu consacrer notre mémoire, en partant de cette dispute, à une étude comparée des anthropologies de Diderot et de Rousseau.
[...] Enfin, Rousseau utilise l'idée d'état de nature à une toute autre fin que ces prédécesseurs : Certes Rousseau éprouve aussi le besoin de remonter à l'état de nature, mais il nie l'idée que celui-ci puisse expliquer l'émergence d'un état civil. Car, aux yeux de Rousseau, ce qui caractérise l'état de nature c'est la dispersion. Les hommes de ces temps-là vivaient dispersés et sans aucune relation entre eux ; C'est donc en vain que, dans un pareil état, on chercherait un paradigme pour expliquer l'émergence d'une société civile. [...]
[...] À la manière d'Aristote, mais surtout de l'Essai sur le mérite et la vertu où Shaftesbury discerne dans la structure même de l'homme les ressorts qui les poussent vers d'autres individus : l'appétit sexuel, l'affection maternelle, etc. La vie en société est la seule qui permette l'épanouissement de ces inclinations naturelles. Ce qui implique que Diderot, contre Rousseau, n'oppose nullement État de nature et État social ; il y voit, de par sa conception systématique du monde, une continuité parfaite ; tout est inscrit dans le grand système de l'univers, même l'état social, qui, du coup, est aussi un phénomène naturel. [...]
[...] C'est avec un projet de musique qu'il monte à Paris : "J'arrivai à Paris dans l'automne 1741, avec 15 louis d'argent comptant, ma comédie de Narcisse, et mon projet de musique pour toute ressource"[2]. Il gagne sa subsistance en donnant quelques leçons de musique. Grâce à des personnes qu'on lui avait recommandées à Lyon et à Genève, il fait connaissance avec des personnes cultivées comme Réaumur de l'Académie des Sciences. Celui-ci lui permettra de présenter son projet de musique devant un jury de l'Académie des Sciences. [...]
[...] Et c'est effectivement ainsi qu'était la société de gens de lettres que nous avons tenté de décrire dans la partie précédente. Diderot, Rousseau, D'Alembert, D'Holbach venaient de milieux très divers, de différentes villes. Et ils formaient un groupe ouvert, toujours en discussion. Si nous avons utilisé le terme de "bloc" ce n'est que pour présenter ce groupe comme uni contre un adversaire très précis comme nous le montrerons plus tard. Ainsi en arrivons-nous au point essentiel de notre exposé: la dispute qui aura inévitablement lieu entre Rousseau et Diderot. Cette dispute apparaît d'abord comme personnelle. [...]
[...] Car Rousseau et Diderot ne formaient pas un binôme isolé, mais au contraire étaient inclus dans ce que nous pouvons appeler une véritable "société de gens de lettres". Le lieu de rencontre de ces gens de lettres avait pour forme d'habituels soupers chez le Comte D'Holbach. Diderot fera venir Rousseau à ces soupers. C'est par ce biais que Diderot lui présentera Grimm, D'Alembert et d'autres. De son côté, Rousseau, qui s'était lié avec l'abbé de Condillac, le fit connaître à Diderot. Ainsi de plus en plus étendu se forma ce que l'on peut dès à présent nommer en quelque sorte le "bloc des encyclopédistes". [...]
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